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ALPES - GR5 - JOUR 38
38e jour – 28 juillet 2005 (+11 de Thonon)
Aujourd’hui assurément sera une véritable journée de repos ! L’objectif unique est de descendre tranquillement sur Bessans, de s’y ravitailler et de trouver la laverie automatique.
Savourons quelques minutes encore la satisfaction gratuite et toute symbolique d’avoir atteint le point culminant de la traversée. Du col de l’Iseran, la vue embrase sans difficulté une multitude de crêtes ensemencées de neiges éternelles : le glacier des sources de l’Isère, glacier des sources de l’Arc, glacier du Mulinet, du grand Méan, marquant tous frontière avec l’Italie. D’abord l’Allemagne, la Suisse et maintenant l’Italie, le dernier des trois pays mitoyen à longer avant la Méditerranée enchantée !
Outre la petite chapelle sommaire, désaffectée et malodorante qui a servi d’abri, deux autres bâtisses coiffent le col. Un gros hôtel-bar-restaurant fermé, aux fenêtres cadenassées de barreaux impressionnants, sans doute pour déstabiliser des meutes d’éléphants sauvages qui séviraient encore dans les parages, oubliés par le lointain Hannibal ?!!! Cette bâtisse massive serait un excellent et fort appréciable accueil pour les randonneurs, cyclistes et touristes de passage, s’il pensait à ouvrir à la belle saison. Un peu de délabrement général, quelques inévitables tags et des conduites d’aération rutilantes qui viennent hacher le souffle léger du vent matinal. A quelques pas, toute aussi verrouillée, trône la chapelle Notre-Dame-de-Toute-Prudence (1939).
Réalisée en pierre, bois et lauzes, d’inspiration volontairement régionale, cette chapelle emblématique du col le plus haut d’Europe est tournée vers les lointains glaciers opalescents. Une haute Vierge immaculée au regard strict surplombe la porte et semble bénir le visiteur de ses bras étriqués. Quelques petits fenestrons dispensent sans doute une pâle luminosité dans cet édifice religieux emplit de consistance tout autant que de pâle froideur. L’ensemble très harmonieux est l’œuvre de l’architecte Maurice Novarina. Il a également contribué à l’édification de l’Hôtel de ville de Grenoble, qui soulève des réserves esthétiques plus légitimes !
Une nouvelle pyramide de pierre invite à poursuivre le sentier bien visible en descendant sans trop de peine dans le schiste gris surplombant la route, du versant sud du col. Cinq à six marmottes courent ça et là se réfugier dans un terrier ou une butte inaccessible au bipède que je suis. Au niveau du Pont de la Neige, deux sentiers descendent de part et d’autre du torrent bouillonnant de la Lenta. Rive droite et rive gauche, des croix rouges d’interdiction marquent l’entrée des deux seules issues possibles. A gauche, le chemin descend dans le vallon mais après un passage assuré par une main courante sur une petite corniche étroite dominant le ruisseau. Je me range côté droit, moins abrupt et de sentier plus large. Descente dans les éboulis, les pierres et autres schistes au pied de la falaise jusqu’au lit du torrent où l’on distingue bien les bases bétonnées des piles de la passerelle qui est sensée assurer le franchissement du vigoureux court d’eau. Sauf que la dite passerelle est posée et bien rangée… en kit, sur l’autre rive. Pas moyen de traverser, à moins de rebrousser chemin, de remonter au Pont de la Neige et d’emprunter l’autre sentier avec la main courante. Pas question, hurle mon courage qui ne souhaite dans l’immédiat pas atteindre le stade de la témérité !
Il doit bien être possible de passer. Avec toute la force et bonne volonté héritée d’une nuit de repos, j’entreprends de construire un gué, en jetant des pierres de tailles et poids conséquents en travers du courant. Au bout d’une demi heure je n’ai encore atteint que la moitié du torrent, la moins tumultueuse évidemment. Reste plus guère de pierres convenables. Par dépit, car espérant ne pas en arriver à une telle extrémité, j’enlève mes chaussures et me voilà pieds nus sur la rive. En cinq larges enjambées calmes mais modérément assurées, je franchis le torrent glacé avec de l’eau jusqu’à mi-cuisses. Voyons le bon côté des choses, le sac a pu traverser les fesses au sec et depuis le temps que j’avais besoin d’un bain de pieds, je devrai être radieux !
Une dizaine de minutes après ce franchissement des eaux pas aussi académique que la méthode préconisée par Jésus, j’ai cependant la révélation de ma vie en l’apparition miraculeuse d’un Dalaï Lama réincarné ! Non, non, l’eau glacée n’a pas corrompu mon cerveau. Il s’agit de Tangton Mongkhon, un randonneur à la bouille étincelante de bonheur. Il marche seul aussi et va à son pas de Modane aux Houches sur le GR5, avec tout une panoplie de cartes et guides colorés. Le type a les cheveux presque rasés, la peau mâte et le sourire retroussé jusqu’aux oreilles. Avec une écharpe jaune et une tunique bordeaux il serait un parfait petit moine tibétain perdu en Vanoise.
Plus bas, des travaux perturbent et interdisent surtout d’emprunter le sentier qui a flanc de vallon amènerait directement au cœur de Bessans.
Dans les derniers lacets surplombant le village, un couple de touriste partis en promenade dégouline de sueur. Ils n’ont pas de couvre-chef et lui a résolu la pénurie en posant sur son crâne déplumé couleur écrevisse un journal gratuit roulé en cône. Il a plus l’allure d’un fou que d’un randonneur.
- Alors les nouvelles sont fraîches ?
Eclats de rires.
Voici Bonneval sur Arc où je m’étais promis de ne plus remettre les pieds, suite à un accueil pour le moins glacial reçu de plein fouet à l’office du tourisme, lors d’un périple automnal en 2003. A cette époque, j’avais randonné sur le GR5 entre Menton et Bonneval sur Arc et aboutissant ici, coincé par des chutes de neiges précoces, j’avais demandé à la fille de l’accueil :
- Vous ne pourriez pas m’indiquer un gîte d’étape ouvert s’il vous plait ?
- Tel gîte est fermé, l’autre est en travaux, désolé, avait-elle répondu très sèchement, comme si ma venue dérangeait.
- Un hébergement pas trop cher alors ?
- Il y a des hôtels de deux et trois étoiles et des chambres d’hôtes si vous voulez.
- Plus les moyens, je vais planter la tente dans un champ en attendant.
- Je vous rappelle que le camping sauvage est strictement interdit sur le territoire de la commune. Reste le gîte d’étape de Bessans, peut-être ouvert.
- Mais j’en viens.
- Retournez-y alors, au revoir.
Et j’y suis retourné faute de mieux, sous une mémorable averse glacée. Je pense avec forte amertume et rancœur à cet épisode en traversant le village de Bonneval sur Arc qui a tout pour attirer le touriste, mis à part la froideur de l’accueil.
Les sept kilomètres de bitume en plein cagnard s’étirent avec longueur, mais la récompense est au bout. « Bessans, Bessans, 4h30 d’arrêt ! » Ravitaillement de denrées fraîches chez Sherpa, passage en boulangerie et Poste, grignotage de quelques délectables provendes et le reste du temps se passe à attendre sagement mon tour dans la minuscule laverie automatique du village. Afin de mettre à profit cet important repos forcé je rédige les notes de quelques journées passées et bientôt oubliées, sagement assis dans la laverie avec pour seul vêtement un caleçon cachant ma nudité. Une cliente qui jusque là m’avait vu sale, malodorant mais habillé ressent un petit choc en me voyant penché dans la machine avec ce seul caleçon sur moi ! Rassurée de ne pas avoir à faire à un exhibitionniste pervers, nous discutons de la région, de randonnée et de ma balade comme si de rien n’était durant quinze bonnes minutes !
Bessans, petite commune de montagne jouie de beaucoup moins de cachet que sa « démoniaque » voisine Bonneval. Cependant, à Bessans on a su habilement domestiquer le diable et s’en faire un allié puisqu’il est devenu l’emblème du village. Ici, on le rencontre partout dans les vitrines, sur les façades des maisons, ou dans la fontaine de la place. L’histoire remonte au siècle dernier, à l’époque, un dénommé Vincendet avait une dent contre son curé. Le malotru fabriqua un diable en bois tenant sous son bras un curé et alla déposer la sculpture caricaturale sur la fenêtre du prêtre. Celui-ci se doutait assurément de l’origine d’un tel geste, car il alla à son tour poser la statuette sur la fenêtre de Vincendet. Le manège dura plusieurs jours jusqu’à ce qu’un voyageur de passage observa la statuette sur la fenêtre de son créateur et lui proposa de l’acheter. Ce fut l’origine de la commercialisation du diable de Bessans. Une autre légende court sur le Pont du Diable, mais elle est plus fastidieuse à résumer. Avant de quitter Bessans, je vous invite à parcourir ses ruelles et à contempler le magnifique calvaire de bois sculpté des symboles de la passion du Christ, juste au pied du tertre abritant l’incomparable chapelle Saint Antoine. Sous un typique toit de lauzes, elle renferme un trésor de plafond polychrome typique de la Renaissance, des sculptures ainsi qu’un livre d’heures alpin. Les personnages qui tapissent la façade extérieure prônent sans effort ni contrainte l’apaisement du monde et la fin des maux.
Nous quittons bien tardivement Bessans, mais avec des provisions et du linge propre pour la suite. Le GR passe dans les champs, suit l’Arc jusqu’au hameau du Collet. Mignon petit hameau de terrasses miniatures en pierres sèches et d’inspiration ardéchoise. Le sentier toujours bien balisé grimpé sec à travers le flanc de la montagne, en de larges lacets qui offrent rapidement un panorama appréciable sur le hameau et la vallée. Cinquante minutes de marche soutenue sont indispensables pour déboucher sur les premières terrasses du hameau à l’abandon du Molard (2130 m).
D’antiques masures de pierre, sans toits, au pans de murs éventrés ou chancelants se tassent autour du sentier et l’atmosphère devient pesante, à imaginer ce qui à pu chasser les lointains habitants. La rudesse du climat, l’espace réduit, la maigreur des récoltes, les guerres, la maladie ou un mélange savamment dosé du tout ? Quelques petits ruisselets mais pas encore de vrais terrains plats pour bivouaquer. Le sentier oblique soudainement plein ouest et nous marchons avec le soleil couchant dans les yeux pour cette ultime montée en faux plat qui permet rapidement de déboucher à la chapelle Saint Antoine. Le refuge de Vallonbrun n’est qu’à cinq minutes.
On m’y indique un creux d’herbe abrité du vent, derrière la butte pour passer la nuit.
Date de création : 13/02/2008 @ 14:02 Réactions à cet article
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