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ALPES - GR5 - JOUR 05
5e jour – 21 juin 2005
Retour en forêt à travers cette savoureuse promenade en direction du village de Graufthal. Une colline à gravir puis à descendre sur le flanc opposé, les minis montagnes russes n’en finissent pas de se perpétuer en longueurs infinies, dans des paysages touffus de végétation dense où l’homme semble aussi peu présent qu’au-delà du cercle polaire arctique. Cette « non imprégnation humaine » est bénéfique en tous points et lieux. Pas de bruits outrageants de moteurs thermiques, de cannettes de bières en phase hésitante de corrosion ou de lignes électriques défigurant le paysage. Rien. Le vide sidéral en terme de colonisation fécale industrielle. La nature avec un grand R, comme air pur ! La forêt semble ici si bien conservée et vivante, qu’elle offre le gazouillis des oiseaux pour toute mélodie du bonheur, agrémentée d’aériennes fragrances d’humus et d’écorces réchauffées par les premiers rayons du soleil.
A quelques pas à peine de la fontaine, (LA première fontaine croisée en forêt depuis cinq jours), des bruissements de feuilles attirent l’attention vers de furtives ombres montant rapidement à l’assaut de la combe, qui traversent le sentier en deux bons agiles et disparaissent sous le couvert du bois. Avez-vous vu ces deux magnifiques chevreuils qui viennent de passer à une vingtaine de mètres devant nous ? Non ? Mais silence, ce n’est pas fini... Reconnaissez-vous cet animal petit, trapu, au poil raide et sombre ? Cette laie de bonne taille suit la piste des chevreuils, s’immobilise quelques instants sur le sentier, regarde derrière elle grommelle doucement et s’ébranle vers le fourré, bientôt suivie par cinq ou six petits marcassins à la queue leu leu à peine plus gros que mes chaussures de marche. Le petit dernier de la fratrie éprouve quelques difficultés motrices, patine, se vautre à proximité du sentier, se reprend et disparaît bientôt sous un amas de feuilles mortes en grognant tant qu’il peut dans les aigus. La vision de ces chevreuils et sangliers n’a pas duré plus de trente malheureuses secondes. Des secondes d’infinie bonheur et plénitude qui suffisent à embellir la journée entière.
Dans le village tranquille de Graufthal, la route départementale fait office de ligne de démarcation religieuse : A gauche, l’église et lui faisant face, le temple austère et rigoureux comme il se doit. Le sanctuaire catholique tout de grès paré invite plus volontiers à la flânerie ou à la prière. Quelques instants de réflexion dans le calme et la fraîcheur ne sont pas pour me déplaire, tandis que mon téléphone portable refait ses batteries en pendouillant à l’entrée de l’école primaire où une poignée d’élèves suit un dernier cours en attendant sans doute impatiemment que sonne la cloche. Des maisons troglodytes aux volets colorés surplombent le village et lui confère l’aspect d’une petite Dordogne. Le bureau de poste n’ouvre que le mercredi après-midi.
En gratouillant machinalement mes cuisses, j’y découvre un trio de tiques incapables de présenter le moindre titre de transport valide. Je suis dans l’obligation de les amender en les écrasant triomphalement entre le pouce et le majeur. Dorénavant, inspection régulière des compartiments et chasse implacable aux resquilleurs !
A la sortie du village, sur le mur du cimetière je trouve à remplir ma gourde. Un grand père afféré sur une tombe me confirme d’un signe de tête sa potabilité. A priori rien n’oblige à mettre de l’eau potable dans un cimetière, puisque les principaux intéressés n’en consomment pas. Les difficultés en approvisionnement d’eau imposées par la région astreignent à quelques tergiversations malignes visant à dresser une liste exhaustive de maigres oasis persistantes. On arrive donc à déterminer qu’il est possible de trouver de l’eau outre (sans jeu de mot !) chez l’habitant, dans des lieux comme :
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- Les cimetières (on vient de le voir)
- Les toilettes publiques
- Les mairies
- Les stades de foot
- L’arrosage automatique des espaces verts
- Les campings
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Fort de ce sésame imaginaire mais salvateur, je poursuis jusqu’au lieu-dit Oberhof grâce à un délicieux sentier invariablement plat et fort agréable à fouler puisque en de nombreuses places, constitué de terre battue ou de sable. Une heure et demi plus loin, passage au dessus de l’autoroute A4 – Autoroute de l’Est – dans un ronronnement qui n’a rien de félin. La table de pique nique ombragée sise à proximité de la maison forestière Kaltwiller distille un repos appréciable et champêtre, avec de gros rouleaux de paille au premier plan.
Une musaraigne s’enhardit presque à mes pieds à faire de nombreux va et vient dans un sillon recouvert de brins de paille que sa modeste corpulence soulève néanmoins et contribue à trahir. Mignonne comme tout lorsque apparaît son petit museau. Au bout du champ, l’ardente touffeur fait se tordre de douleur le paysage en des mirages virevoltant au vent stagnant.
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Sorties de nulle part, sorties du cagnard, deux promeneuses viennent allouer un peu de compagnie. Ces femmes d’une bonne cinquantaine d’années, alertes sous la chaleur font une boucle à travers bois et s’en retournent à Saverne. Questions-réponses sur la localité, les environs et la suite du GR, comme il se doit avec des promeneurs du cru, souvent source d’informations utiles.
A la simple énonciation de Wissembourg comme point de départ elles s’extasient de surprise et le lointain lac Léman les fait presque se pâmer d’admiration. Elles avisent mon sac et se renseignent de mon équipement, stupéfaites par la petitesse de ma tente. La première m’offre un rafraîchissant et bienvenu gobelet de menthe tiré d’un thermos. La seconde me propose de venir passer la nuit chez elle. Face à mon hésitation goguenarde elle se croit obligée d’ajouter :
- Je suis mariée, j’ai un mari, enfin n’allez pas croire que je vous fait des avances. C’est histoire de prendre une douche, vous comprenez,… J’habite juste à côté de Saverne, sur votre chemin, alors si le cœur vous en dit.
Et de me donner le nom de cette localité imprononçable dont mes neurones carbonisés sont incapables de retenir les syllabes sans les mélanger, confondre ou remplacer ! « Charabieuse » est la langue alsacienne pour un non initié, ma brave dame !
- « xxxxxeinsteinxxxxberg », vous vous en souviendrez n’est-ce pas ?!
Ces sympathiques femmes s’en vont et je les accompagne d’un geste de la main.
Passant bien plus tard à proximité du jardin botanique, la voix de la seconde femme se fait de nouveau entendre. Personne en vue.
- Ici, regardez plus haut, montagnard !
A travers l’épais feuillage tout en haut d’un escalier taillé dans le rocher du saut du Prince Charles, un pan de chemisier fait des moulinets à mon intention.
- Vous êtes bientôt arrivé à Saverne, bon courage et peut-être à ce soir !
Saverne, sous préfecture du Bas Rhin au riche patrimoine historique. Le Jardin des Roses abrite plus de mille trois cent espèces de roses, indiquent les ouvrages touristiques.
Il est étonnant et un peu déstabilisant de retrouver une ville à pied alors qu’on y est passé quelques jours plutôt en train, fringant, insouciant. Saverne est aussi la première étape d’une multitude à venir qui, misent bout à bout sur le chapelet patient de la randonnée, constitueront le précieux joyaux de mes efforts solitaires.
Les préparatifs de la fête de la musique allant bon train et ne m’imaginant pas planter la tente sur une minuscule parcelle d’herbe du centre-ville (comme je l’avais pourtant fait à Cauterets – traversée des Pyrénées 2004), j’allonge le pas afin de mettre le maximum de distance sécurisante avec la fête à neuneu et les braillards qu’elle va immanquablement engendrer. Après le passage bucolique du canal de la Marne au Rhin, la ruelle gagne prodigieusement en déclivité, au point de faire pâlir d’envie un
tremplin de ski olympique. En gravissant avec un peu de peine et forts zigzags cet Annapurna alsacien, je ressasse cette proposition de douche que j’ai implicitement refusé et ne suis pas persuadé d’avoir fait le meilleur choix, puisque le thermomètre se pavane encore fièrement à 30°C passé dix huit heures…
Du sommet de la colline, le château du Haut Barr perché à 457 mètres d’altitude s’érige en digne gardien et protecteur de la vallée tant la vue porte loin… à travers le feuillage. Un peu à l’écart, l’une des quarante six stations du télégraphe Chappe reliant Strasbourg à Paris sera le décor historique d’une nuit de sommeil et de repos mérité.
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Date de création : 18/12/2007 @ 12:04 Réactions à cet article
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