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ALPES - GR5 - JOUR 06
6e jour – 22 juin 2005
En sandales et treillis un peu court, mains dans les poches et fumant avec bonhomie une cigarette, René Schwartz, le garde de la Schaeferplatz m’entraîne tranquillement vers sa maison forestière. Il actionne pour moi une vanne enterrée et une eau glacée jaillit avec violence et plaisir du vieux bassin grignoté par les orties. Nous nous sommes rencontrés à quelques pas de là, sur l’aire de pique-nique aménagée de barbecues géants pour touristes en manque de nature. Un simple service rendu à un randonneur assoiffé se métamorphose grâce à la découverte de passions communes, en une discussion soutenue de plus d’une heure. Après avoir évoqué les différentes tours construites par la volonté du club vosgien et pour son propre plaisir, il me transporte sur des flots de chiffres et tout y passe : le nombre de chevreuils, cerfs ou sangliers à l’hectare de forêt, sans oublier le monde de l’infiniment petit en des cohortes monumentales de vers de terre dignes de l’Apocalypse ! D’une jeune buse retrouvée morte, il me fait ensuite l’historique des châteaux environnants. Un tel appartenait à l’évêque de Strasbourg et faisait de l’ombre à cet autre, propriété de l’abbaye de Marmoutier, etc. Ce serviable garde forestier avoue avec un sourire significatif qu’il n’a jamais fait le GR, le laissant volontiers pour les randonneurs ou touristes. Au cours d’un voyage organisé il est allé à Grenoble, se souvient d’avoir pris le téléphérique et ses petits yeux se mettent à pétiller lorsqu’il conte un récent voyage au Canada, sur l’île de Vancouver. Ses mains se mettent en action pour mimer les pêches en lac et s’écartent largement pour matérialiser dans cette forêt d’Alsace, l’envergure des bois des orignaux ou les mâchoires des grizzlis. Véritablement ravi de cette rencontre, simple fait du hasard, je lui promets une carte postale d’où j’arriverai. Il m’aura sans doute oublié d’ici là, mais qu’importe.
Jusqu’à la maison forestière suivante (Haberacker), le GR suit la route à quelques pas dans le bois. Sans intérêt aucun, mais ce genre de parcours aisé de monotonie est souvent un temps important de réflexion où je me laisse aller à penser à d’autres choses que la rando. La vigilance baisse, je vois le balisage sans y prêter plus attention et le corps continue d’avancer sans que je m’en rende bien compte. Mes pensées sont absorbées par ceux qui me sont chers, d’autres randos lointaines à venir ou simplement une recette de cuisine alléchante, ou air de musique lancinant. « On ira où tu voudras, quand tu voudras… »
Un grincement saccadé m’extirpe de cette rêverie. Sur la route forestière passe un couple de retraités allemands pédalant sur un tandem surbaissé de leur fabrication. Ils y sont presque allongés, moulinent doucement et avancent à même allure sans plus de fatigue.
Afin de raccourcir certaines longueurs monotones (oubliez les violons de l’automne !!!) l’idée m’est bien venu d’utiliser un petit skateboard, sur les parties inclinées de routes forestières comme celle-ci. Mais encore faut-il être capable de porter cet excédent de poids…
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Au-delà de la clairière de la Hardt dans un creux de vallon coule un très joli et doux ruisseau surmonté d’une passerelle de bois bien inutile tant la profondeur est anecdotique. Mais il s’agit là du premier vrai ruisseau de « montagne » depuis le départ de Wissembourg, il y a six jours.
A l’heure du zénith, le clocher de La Hoube retentit à mon approche.
Des prévisions pessimistes de marche m’auraient placées plus avant. Douloureux sentiment de stagnation ou d’inertie molle. Est-ce la chaleur ou la fatigue quotidienne qui commencent à me rattraper ? Les localités sur ma reproduction de carte au 1/50.000e défilent à un rythme sénatorial. Hier l’étape devait faire 22 à 25 kilomètres et en de nombreux instants d’épuisement il m’a semblé prendre un tapis roulant à reculons !
Au fond du vallon suivant, une équipe de la DDE opère un forage à proximité d’un ruisseau coulant gros comme la main.
- Bonjour. Vous cherchez un trésor ?!!!
- On creuse pour atteindre une source souterraine située à une centaine de mètres. En la raccordant au service d’eau potable, elle ira augmenter la consommation d’eau de Sarrebourg. Tout le monde a besoin d’eau et on vient la chercher jusqu’ici.
- Je connais la soif… et bois vos paroles !
Non loin du joli château de Dabo, posé sur une molaire rocheuse entourée d’une herse végétale de hauts sapins d’un bon vert, un groupe de gamins se promène sans doute attirés par la visite du repère médiéval. La petite dernière, qui se laisse aisément distraire ça et là par une fleur ou le vol hésitant et brouillon d’un papillon me demande dans un sourire si je veux une myrtille. Le fruit unique et malingre qu’elle tend gaiement avec d’infinies précautions entre ses pouce et index peu reluisants dégouline d’un jus noir. Nonobstant ses doigts sont plus propres que moi qui ne me suis ni trop lavé ou rasé depuis le départ. Je refuse poliment la pauvre myrtille, plus enclin à souscrire pour une gorgée de n’importe quoi.
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La demi heure suivante est digne des scènes épiques de films catastrophes mise en boite par Hollywood. Car de catastrophe il s’agit bien, en observant le lugubre spectacle d’hectares entiers de forêts décimés, aux amas de branchages broyés, où subsistent de loin en loin encore debout de rares fûts nus et décapités. Cela pourrait être la macabre résultante d’un hideux conflit frontalier du siècle dernier. Le souvenir de la tempête de 1999 qui dévasta une partie de la France est tristement palpable aujourd’hui encore.
Le col de la Schleif rendu au royaume sylvestre bénéficie d’une petite fontaine où il ne faut manquer de s’approvisionner, la prochaine coulant à une paire d’heures de là.
Une large piste forestière en plein cagnard, récemment labourée par les troncs, chaînes et autres bulldozers, où se mêlent terre, poussière, écorces et pierres en tous genres permet d’approcher de la maison forestière de Rosskopf. Maison de bois à la belle architecture traditionnelle et harmonieuse, digne d’un petit chalet suisse.
On apprécie particulièrement le reste de la balade, de part son caractère plat sur un sentier adoucit grâce aux épines de pins, mais aussi parce qu’on en vient à contourner la montagne par le flanc Est, donc ombragé à cette heure avancée de la journée.
Douce bénédiction que de pouvoir marcher jusqu’à une heure avancée, sans souffrir d’un excédant de température. Bonheur décuplé à l’approche de la fontaine "inconnue" disposée dans un large renfoncement en forme de fer à cheval. Cette fontaine, restaurée par le club vosgien est intelligemment constituée d’un bassin et d’une rigole sur un sol pavé qu’encadrent deux bancs latéraux judicieusement placés pour offrir au randonneur harassé une halte réparatrice.
Pour la qualité de ce lieu rarement observé ailleurs, j’aurai presque envie d’adhérer au club vosgien !
Encore un effort substantiel sur le balisage et j’applaudirai des deux mains.
En « Haut de l’Escalier » dominant la petite station de Wangenbourg, le sentier aboutit à une large terrasse herbeuse où un homme et son père déjà âgé entassent de belles bûches de bois. Le jeune parle d’un refuge dans la montagne avec à proximité de l’eau. Le paradis n’est rien à côté de ce que j’en imagine ! Lui met une demi heure tout pile pour y monter. Mais sage d’une circonspection héritée de l’expérience des « ce n’est plus très loin et consort » professés par des gens un peu farfelus ou simplement désireux de vous remonter le moral, la déduction me souffle au creux de l’oreille qu’une bonne heure de marche est encore nécessaire. Dès le début le sentier grimpe de manière exponentielle en de longs paliers de plus en plus pentus et qui chaque fois laissent entrevoir le suivant encore plus difficile que celui sur lequel on s’évertue à transpirer afin de gagner quelque dénivelé colossal. En redoublant d’efforts et d’obstination on parvient à arracher que le plan incliné s’affaisse jusqu’à l’horizontale. Le refuge est quelques mètres en contrebas, abrité dans une mini clairière offrant une vue sur la vallée et Wangenbourg si minuscule à présent.
On avait parlé d’une fontaine ? Empoignant une grosse bouteille en plastique de cinq litres, je cours en tous sens sur les sentiers alentours en quête du précieux liquide. Je cours, je cours,… disons que je me déhanche à la manière d’un pingouin sur la banquise tant la fatigue pèse, les adducteurs sont carbonisés et les pieds ampoulés. Une fois, deux fois, la troisième tentative est la bonne : Une petite source grosse comme le doigt coule au creux d’un rocher moussu.
Dans les Vosges, des cabanes comme n’importe où France sont propulsées au rang de refuge. Un peu comme les sous-fifres africains prenant le pouvoir au cours d’un énième coup d’état se retrouvent du jour au lendemain qui Maréchal ou Général. « Présentement » donc, cette cabane en bons moellons dispose d’une table et de bancs au rez-de-chaussée et d’un étage destiné au couchage. Une porte, des fenêtres, un poêle et quelques ustensiles de toute première nécessité. Pas le grand luxe assurément, mais un toit sur la tête et bien moins de confinement que d’ordinaire ! De plus, je vais pouvoir m’adonner aux joies exubérantes de manger assis, ce qui, il faut bien reconnaître et plus que délicat dans une tente de soixante-dix centimètres, en sa partie la plus haute ! Ce soir j’invite Pantagruel à souper, car il me semble organiser un festin de roi, en avalant deux sachets de soupe, une grosse gamelle de bolino, un sachet de purée familiale ainsi qu’un thé accompagné de ce très mauvais chocolat bas de gamme.
Excellent lieu de bivouac à conseiller.
Date de création : 18/12/2007 @ 12:59 Réactions à cet article
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