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ALPES - GR5 - JOUR 08
8e jour – 24 juin 2005
« Qui s’endort le gosier sec
Toute la nuit rêve de pastèques ! »
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La soif et la problématique pénurie d’eau sont le leitmotiv de la première dizaine de jours. Aujourd’hui plus encore qu’hier est une épreuve de résistance physique et surtout mentale où il faut déployer un surcroît d’énergie et trésor d’imagination pour se convaincre qu’avoir soif n’est rien, que l’on n’est pas encore au bout de ses ressources, qu’on peut tenir encore un peu. Une heure, deux heures, cinq heures tout en continuant d’avancer, de progresser sous un soleil bien peu indulgent. Les vingt-six degrés pointant déjà à 8h30 présagent d’une journée où tout va se mériter. D’abord atteindre le Donon (1008 m), cône de sapins planté d’un relais blanc et rouge significatif visible à des kilomètres à la ronde. En l’occurrence, six kilomètres m’en séparent à l’azimut. Le sentier décrit un immense « S » en marge de la forêt jusqu’à la Baraque Carrée, carrefour forestier sans plus d’attrait. Les quatre misérables gorgées avalées ce matin avec force contrition ne sont déjà plus qu’un lointain souvenir.
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Sur une large ligne de crête aux allures de plateau, les stigmates de la tempête de 1999 laissent apparaître des plaies béantes de plusieurs kilomètres, sensiblement identiques aux déprédations de sangliers dans un champ de maïs. Le même effet dévastateur rapporté à l’échelle des versants montagneux entiers. En de larges places, le sentier est même souvent obstrué de monticules de branchages desséchés, de fûts éclatés qu’il faut enjamber ou contourner. Quelques arbres restés debout par miracle, mais décapités, ne peuvent faire mieux que de laisser pendre à plus de sept ou huit mètres, des moignons d’eux-mêmes, vestige méconnaissable d’une cime naguère altière.
En montant à travers les fougères vers le sommet du Donon et le temple romain qui le coiffe, il me semble gravir le Mont Olympe. Point de magistral trône, de dieux ni de déesses se jouant des hommes, pas même le plus petit jet d’eau honorant Bacchus, Dionysos ou même Ricard ! Seulement un temple romain caractéristique reconstruit et deux tables d’orientation posées sur des rochers aux nombreuses traces de pétroglyphes, pour l’essentiel bien trop contemporains !
La vue porte loin et, est-ce la présence du temple, mais on se prend facilement à s’imaginer dominant le monde, du moins l’Alsace de ce piédestal céleste. A moins que les actions conjuguées de la soif et du soleil n’interfèrent sur le libre arbitre !
Midi, l’heure de la sacro-sainte pause déjeuner.
Tranquillement assis à l’ombre de leur camion, trois employés des espaces verts se régalent de chips, saucisson et autres casse-croûtes. J’ouvre une bouche pâteuse pour demander si « par hasard il n’y aurait pas une fontaine, une source ou un robinet dans les environs ». Même réponse cinglante qu’au temple. Par contre on se montre plus généreux.
- Si vous avez soif, on peut vous en donner.
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Aussitôt dit aussitôt bu et je sens ce gobelet trop vide absorbé par les pores impatients de la langue et du palet. Il me semble à regret qu’aucune goutte n’a le temps d’atteindre l’estomac, avalée et disséminée bien avant par une bouche devenue gigantesque sphaigne.
La seconde rasade proposée est pétillante et rafraîchissante à souhait, une espèce de Perrier avec de vraies bulles digestes.
- C’est de la Celtic. C’est du local puisque ça vient de Niederbronn les Bains.
- J’y étais il y a cinq jours à peine ! Quelle canicule insupportable. Moi qui pensais l’Alsace plus fraîche que ça !
- Ici, sur le Donon, il gelait encore il n’y a même pas quinze jours. Le temps est bizarre. Mais pour ce qui est de la chaleur, nous avons des températures de saison…
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Désormais, à partir d’ici nous faisons jonction avec le GR5 en provenance d’Amsterdam et qui se déroule lentement jusqu’à Nice et la Méditerranée.
Après avoir succombé aux joies immodérées d'un menu quasi gastronomique rayonnnant autour d’une choucroute garnie au restaurant du Haut Donon, trois cents mètres plus bas, le cœur léger et l’estomac plein, Schirmeck n’est plus très loin.
Le cadavre d’un faon recroquevillé au beau milieu du sentier apporte quelques notes de tristesse. Insignifiantes mises en parallèle de l’histoire de la région. La petite cité ouvrière de Schirmeck dont le seul attrait réside pour le randonneur que je suis dans son supermarché, s’enorgueillit jusque sur les flammes postales d’un passé troublé au prix du sang. En franchissant la passerelle métallique qui enjambe les voies de chemin de fer, je songe avec un pincement au cœur aux convois qui une soixantaine d’années auparavant arrivaient non loin d'ici...
A l’office du tourisme, une gaillarde réceptionniste blonde, m’aiguille sur le bon chemin et se propose de m’offrir un verre d’eau, tant je la questionne encore sur le sujet.
Gentille jeune femme qui fait tout son possible pour me renseigner.
Mais hélas, quand on ne sait pas…
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Le GR passe derrière le petit castel dominant la ville, grimpe à travers champs et s’enfonce dans la forêt jusqu’à aboutir à un carrefour assurément dédié à Poséidon, puisque trois sentiers symbolisent ici un les pics équidistants d’un trident. La voie de gauche non balisée conduit à la fontaine Léopold où je célèbre symboliquement le cent soixante dixième kilomètres de marche par une rasade bien fraîche. Puis d’une spacieuse clairière émerge cette colonne triangulaire aperçut hier matin du Schneeberg. Vous vous souvenez ? Voilà, nous y sommes maintenant, à quelques pas du gigantesque mémorial de l’ancien camp de concentration du Struthof.
Le seul camp de concentration jamais construit en France.
Deux wagons à bestiaux et plus loin la première matérialisation de cette horreur en un panneau directionnel sans ambiguïté : « chambres à gaz ». Le balisage retrouvé serpente dans la zone marquée du sceau indélébile de l’infamie. Au sortir d’un bois, je me retrouve enfermé dans le chantier du nouveau musée en construction, grillagé moi aussi au Struthof. Cela serait drôle si le lieu était autre. Très facile de pénétrer sur le chantier, moins aisé d’en sortir, comme quoi le lieu semble conserver la mémoire des évènements. Le long de la route, ostentation troublante, parfois excessive de vestiges comme ce rouleau compresseur mû par traction humaine qui inactif depuis peu, semble attendre la relève.
Malaise.
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La haie de thuyas s’évase laissant place au spectacle terrifiant des baraquements gris étagés en coteaux délimités de barbelés et miradors. Il est vingt heures, le ciel se couvre d’un voile de tristesse. Je suis seul en ce lieu de commémoration de la barbarie et si ce n’était l’itinéraire du GR, je ne serai monté jusqu’ici.
Quelques minutes de marche encore pour m’éloigner des reliefs trop marquants et après une forêt d’une rare densité, je m’installe tant bien que mal à proximité de
la Grande Carrière, où les prisonniers étaient lentement exterminés par un labeur machiavélique à l’extraction du grès rose.
Nuit tourmentée par le survol incessant de nuées de moustiques belliqueux, à proximité d’un bâtiment dont je ne veux imaginer l’ancienne utilité.
. Date de création : 18/12/2007 @ 14:03 Réactions à cet article
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