Texte à méditer :  La montagne n'est ni juste, ni injuste. Elle est dangereuse.   REINHOLD MESSNER
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ALPES - GR5 - JOUR 16
16e jour – 2 juillet 2005
 
La Loire prend sa source au mont Gerbier de Jonc, ânonnent les écoliers…
La Thur prend sa source au pied du Rainkopf, à peu de distance du Hohneck et coule à Thann où elle est flanquée d’alignements de maisons grises. Longtemps qualifiée de rivière la plus polluée de France, le petit cours d’eau doit sans doute sa récente réhabilitation à un purificateur  miracle issu de la très belle collégiale Saint Thiébaut. Le portail à trois tympans unique en France, aux cent cinquante scènes et cinq cent personnages, les gargouilles, chimères et tuiles vernissées auraient bien sûr de quoi susciter intérêt, curiosité et émerveillement. Mais mon attention n’est pas tournée vers Dieu, pas aussi haut du moins, se limitant de façon prosaïque à scruter le ciel couvert, la pluie fine qui perle et le thermomètre qui refuse obstinément de dépasser 14°C.
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Maigre consolation de cheminer en un agréable sous bois jonché de feuilles mortes et montant sans trop de peines jusqu’au joli lieu-dit de la
Place du Roi de Rome. Plus loin le sentier surplombe la route se fait escarpé et minéral jusqu’au passage du col du Hundesruecken, ouvert par les troupes française lors de la Première Guerre mondiale.
Le brouillard, minutieux dévoreur de paysages et de grands espaces est tapis dans l’épaisse forêt de sapins. A l’hôtel on m’avait juré que cela allait s’arranger dans la journée ! Monter dans la pente boisée d’un coteau noyé de brouillard est chose savoureuse et dépaysante pour peu que le sentier soit sans équivoque et le balisage confortable. Alors, on prend un réel plaisir à interpréter différemment les formes ou couleurs, à appréhender les distances autrement. La cime des arbres parfois invisibles, des odeurs nouvelles exhalées et la sensation absolue de solitude injectent une bénéfique émotion de solitude. On se prend à rêver, laisser courir son imaginaire loin du corps imperturbablement en marche. L’esprit divague pour se rapprocher de ceux qui nous manquent et on enclenche le pilote automatique. La survenue d’une clairière ou pire d’une prairie bouleverse le doux équilibre cotonneux de séparation du corps et de l’esprit par lequel on se laisserait porter des heures durant sans lassitude démesurée. 
Dans le brouillard plus présent que jamais, impossible d’espérer trouver un salutaire secours dans la carte trop imprécise ou la boussole devenue creuse. Vous êtes le centre d’un cercle offrant une visibilité relative de cinq à six mètres de diamètre. A vous maintenant de vous débrouiller ! Laissez-moi faire, je vais essayer de retrouver traces de balisage. La manœuvre consiste à continuer d’avancer dans la même direction tout en décrivant de larges et nombreux zigzags. L’observation du sol est primordiale de même que marquer des pauses silencieuses. Le son d’une voiture, d’une cloche de vache ou d’habitation peut être déterminant dans ce jeu de piste version colin-maillard. L’odorat aussi entre en action, en scrutant l’odeur possible du feu de bois synonyme d’habitation. Je me suis rapproché d’une fantomatique clôture issue d’un tâtonnement hasardeux. La longer, sait-on jamais. Au fil des pieux biscornus et parfois inclinés comme d’antiques herses, un peu de rouge et de blanc se fait jour entre les fentes et moisissures. Remonter le ténu fil d’Ariane et ne pas se perdre dans le dédale.
Des voix en file indienne, imminentes et que l’on finit par croiser surmontées de sacs à dos, attestent de notre bonne orientation retrouvée.
Le sentier semble s’incliner fortement, tourner et descendre dans un fond de vallon herbeux habité. La ferme auberge Belacker nous accueille par une succession de trois bâtiments à-côtés. L’importance du brouillard ne permet qu’une très partielle analyse de la modeste façade sans aucun cachet. Mais l’extérieur est infiniment plus « raffiné » que la salle ouverte aux randonneurs. Le temps semble ici avoir été cloué à la porte d’une grange, tant l’immobilisme de confort et d’évolution est flagrant. Décorations antédiluviennes, parquet multiséculaire gondolant et grinçant, toiles cirées servant de piste d’atterrissage pour les mouches. La teinte chêne des murs et sans doute renforcée d’un peu de suie et de crasse héritée du passé. De petites fenêtres à croisillons retiennent tant qu’elles peuvent la lumière d’entrer et les deux ou trois tubes de néons ne semblent raccordés à l’électricité car personne ne songe à les allumer. Cette atmosphère de paysannerie conservée sous la cloche d’un statu quo pesant semble convenir à un groupe de quatre randonneuses allemandes moins préoccupées de décoration que d’alimentation. L’une d’elle sans doute pour se donner des émotions fortes, commande un grand bol de café au lait… à 15h20 ! Un chocolat chaud pour moi. La patronne me l’apporte dans un ravissant pantalon de jogging moulant agrémenté de tâches qui sied à ravir à cette sexagénaire bien enrobée et nonchalante. Deux euros. Plus cher qu’à l’hôtel du Grand Ballon et dans un cadre miséreux. « Ch’uis qu’un pauv’ paysan » disait Fernand Raynaud…  
 
 
On m’indique néanmoins la possibilité d’une cabane. Là haut, sur la Haute Bers.
Une longue est appréciable balade toujours en sous-bois humide permet d’atteindre le supposé col des Perches au terme de plusieurs grimpettes soutenues. En de nombreuses places flotte quelque brume rasante laissant supposer la proximité d’un secret marigot, fournisseur de sorcières en crapauds. Un somptueux petit parcours en éboulis permet de s’extraire de la cuvette entourant le lac des Perches aussi appelé « Sternsee », lac des étoiles. La légende, comme bien trop souvent tragique narre ici l’histoire du fils d’un comte monté un jour au lac. Surpris par la nuit, l’enfant voyant les étoiles se refléter sur le miroir du lac voulut les attraper et s’y noya.
Au débouché du plateau apparaît en une poignée de minutes la cabane de Haute Bers. Une traditionnelle cabane en rondins québécoise ou finlandaise, selon l’obédience ! Un panneau mentionne « source à 50 mètres ». Que demander de plus ? Un peu de tranquillité pour savourer le spectacle prochain du coucher de soleil offert sur un panorama de collines basses se dégageant graduellement. Arrive un personnage atypique aux rangers, sac militaire et parka kaki particulièrement défraîchis ! La bouille et le tempérament gouailleur de Jean-Pierre Coffe dont il est le fidèle sosie. Pantalon de velours et chapeau de feutre. Il n’a pas de duvet. Juste une grosse couverture roulée derrière son sac, excroissance formidable pour randonneur hors norme. C’est qu’il s’est décidé à la dernière minute vous savez, sur un coup de tête, comme çà. Il va passer la nuit dans la cabane. Pourquoi pas ! En m’offrant un thé « parfumé à la mirabelle » comme il dit avec un clin d’œil complice, il parle de sa vie, de tout et de rien avec assurance et précision, de Peugeot pour qui il est allé en Slovaquie superviser la création d’une usine. Des grands projets européens, de la ligne Lyon -Turin, du nucléaire et de la préservation de la planète. La SNCF, la Corse et le scandale du Crédit Lyonnais sont autant de sujets qui lui font élever la voix. Le sang contaminé et la vache folle lui font planter un couteau rageur dans une rondelle de saucisson.
 
 
Nous refaisons ainsi le monde à notre image jusqu’à ce qu’arrive un groupe de jeunes adultes. Accompagnés d’un guide, cette dizaine de petits clampins urbains en quête d’émotions va se pâmer des heures durant de pâles banalités dans une incommensurable débilité sonore. Ils s’extasient bruyamment devant un repas trappeur, où ils font le plus simplement du monde cuir des pommes de terre et des saucisses sur la braise. Le repas dure trois heures. Ils s’installent autour du feu pour dormir à la belle étoile, point d’orgue sans doute de ce week-end pour employés stressés. Encore deux bonnes heures d’un pot pourri de chansons pathétiquement dignes de la Star ac’ et tout ce petit monde consent à s’endormir après un dernier « étoile des neiges » particulièrement de saison !
Une heure du matin.
On a beau dire, les cabanes en rondin c’est très joli, mais question insonorisation…
 
 

Date de création : 09/02/2008 @ 16:50
Dernière modification : 22/07/2008 @ 11:00
Catégorie : ALPES - GR5
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