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ALPES - GR5 - JOUR 17
17e jour – 3 juillet 2005
Partir, fuir, s’éloigner. Je slalome entre les duvets éparpillés autour de la cabane d’où émergent des têtes de beaufs hirsutes et m’apprête à partir. L’une des filles me lance un « bonne journée » timide. Pour toute forme de procès, je lui renvois illico un cinglant :
- Elle sera meilleure que la nuit…
Je garde pour moi le reste des petits mais nombreux qualificatifs et noms d’oiseaux qui me viennent à l’esprit.
Meilleure est la journée, prédiction heureuse car le soleil est de la partie. Une légère trouée dans les arbres permet l’espace d’un instant d’apercevoir dans le lointain Sud des sommets enneigés : les Alpes !
Deux bonnes heures d’efforts, intenses à certains passages, sont nécessaires pour atteindre le Ballon d’Alsace. L’espèce de sentier de crête en sous-bois qui y mène rappelle par endroit les créneaux d’un chemin de ronde qu’il faudrait enfiler à la suite. A une montée abrupte succède un léger plat et une dégringolade d’égale intensité d’où il faut vite remonter sur une autre butte pour mieux redescendre encore et ce, sur plusieurs kilomètres.
Mais l’heure matinale sait récompenser des efforts en proposant une nature vivante. Dans cette énième cuvette, les feuilles bruissent sous les pas agités et craintifs d’une famille de sangliers. Deux adultes et quatre marcassins s’enfuient queue en l’air.
La dernière ascension est douloureuse, mais on comprend à son orientation qu’elle est l’ultime colline à gravir en Alsace. En effet, le Ballon d’Alsace (1247 m) délimite une invisible frontière entre les départements des Vosges, du Haut Rhin et du Territoire de Belfort, de même qu’il sépare les régions Lorraine, Alsace et Franche-Comté. Un petit pas pour l’homme et un bond de géant pour la géographie !!!
La table d’orientation constituée de deux demi lunes en fonte indique plein Sud le sommet qu’il me tarde de toucher du doigt : Le Mont Blanc. Neuf lettres d’une extrême intensité. Pour le reste, panorama général moyen.
Sur la vaste calotte aplatie, une Vierge un peu triste donne l’illusion mélancolique de veiller sur nous de son mieux.
Le cheminement et les paysages de champs fleuris sont similaires aux abords du Markstein et dispensent une mignonne promenade bucolique au milieu de troupeaux de vaches disséminés. Me revient alors la rengaine d’une chanson populaire parlant de tendresse sous un chêne…
Au creux d’un vallon à proximité de l’ancienne ferme du Wissgrut, il faut marquer une pause et savourer trois merveilles : la beauté du cadre champêtre, l’eau fraîche de la fontaine et le balisage qui ici endosse enfin l’uniforme officiel. Il était temps de vous accorder aux normes en vigueur dans le reste de la France, les enfants !
Encore une heure et demi de descente en forêt puis sous-bois tranquille et voilà Giromagny. Depuis Ribeauvillé au moins, je rêve de Giromagny comme d’un lointain eldorado matérialisant la sortie définitive de l’Alsace. Une étape importante dont Giromagny est le couronnement.
- Ouais, ne vous faites pas trop d’idées, il n’y a rien à Giromagny, c’est le trou du cul du monde, avait dit hier soir le tonique randonneur de Montbéliard.
Pour sûr, il ne m’a pas trompé sur la marchandise. Dans cette lilliputienne bourgade enroulée autour de sa nationale, la jeunesse passe ses week-ends d’ennui à la terrasse des cafés, regardant passer les voitures. Avec mes bâtons je dénote dans le paysage de collines moyennes, puisque par deux fois j’entends cette réflexion :
- Regarde, il a oublié ses skis, ce con.
Déjà à Saverne, une grand-mère voulant faire preuve d’une hilarité à tout casser m’avait dit :
- En ce moment le ski se pratique plutôt dans l’hémisphère Sud vous savez.
A Giromagny on touche donc le fond de la crétinité et le fond de la vallée puisque jusqu’aux environs de Goumois (dans le Doubs), les journées et kilomètres qui se succéderont ne seront que de pâles étapes de transition, d’un massif à l’autre. Le dénivelé laisse pour un temps place aux chemins vicinaux en sous-bois, sentiers carrossables et autres routes goudronnées. Ainsi, de nombreux étangs jalonnent le parcours et donnent à la région une atmosphère de Dombes.
Sur la place de l’église de Lachapelle sous Chaux où je viens marquer une pause, un car de CRS stationne. L’aérodrome de Belfort est situé dans les parages et je suppose qu’une sommité politique tout en blancheur de col et démagogie est attendue. Cela expliquerait l’immédiat positionnement des forces de l’ordre. Au cas où… Descente vers les plus importants étangs qui éructent de puissants grognements et terribles sonorités qu’un monstrueux animal marin pourrait pousser. En me rapprochant à pas de loups les bruits deviennent musicaux, pas tout à fait harmonieux mais la chrysalide n’est en encore qu’au début de sa longue métamorphose !
Au détour du sentier, une chaise et une ficelle tendue matérialisent une modeste barrière qui prêterait facilement à moquerie. Le malinois qui aboie juste derrière impose le respect. Son maître, en tee-shirt rouge barré d’un grand « sécurité » me demande où je vais.
- Je suis le GR jusqu’à la prochaine localité.
- Personne ne passe, c’est interdit, le périmètre est bouclé.
- Hein ? Faut que je suive le balisage pourtant, pour continuer l’itinéraire.
Et d’expliquer la traversée : Wissembourg, Ribeauvillé, lac Léman et tutti quanti.
- OK, mais c’est tout bloqué ici comme c’est le début des Eurockéennes de Belfort. Bon, vous allez me suivre. Exceptionnellement je fais passer ceux qui font le GR.
Le type enferme son chien dans la 205 qui soudainement tressaute sous la furie de l’animal.
Il m’accompagne trois cents mètres jusqu’à une porte grillagée et me fait passer dans un autre monde ! D’autres vigiles, plus nombreux et musclés, des semis remorques, une scène géante, des dizaines de baraques à frites et commerces exotiques variés, une enfilade de toilettes mobiles et des centaines de jeunes convergeant ici, attirés par les sonos en répétition. Devinez qui fait figure d’extraterrestre avec son sac à dos et ses chaussures de rando ?!!! Jamais croisé autant de monde sur un GR ! Et encore ce n’est rien, en remontant le flux à contresens je me rends mieux compte du dispositif. Sas, routes bloquées à la circulation, encadrement policier bon enfant. Sur cette section de route allant à la gare d’Evette-Salbert c’est près de deux mille jeunes au bas mot qui affluent. Deux mille selon mes calculs aléatoires de novice en renseignement général !
Mais je ne serai sans doute pas contredit par ce groupe de gendarmes que j’aborde :
- Je suis le seul à remonter le courant, vous avez vu !!!
- Et où allez-vous comme ça ?
Je déplie la reproduction de la modeste carte et le cercle se fait autour de moi. Un jeune lieutenant aux yeux vifs m’interroge, intéressé par la rando avec des questions directes d’enquêteur pensant tenir une piste :
- Pourquoi faîtes-vous ça ? Pour le plaisir ou pour autre chose ? Combien de temps comptez-vous mettre ? Où allez-vous dormir ce soir ? Qu’est-ce qui est le plus dur dans ce que vous faites ? Vous avez un GPS, un altimètre ? Pourquoi êtes-vous seul ? Etc.
Les questions fusent. Il me semble être sous le feu d’un interrogatoire courtois mais rondement mené. Il s’en rend sans doute compte et se croit obligé d’ajouter :
- C’est l’aspect psychologique qui m’intéresse dans ce que vous faites.
Je donne un cours accéléré de randonnée aux gendarmes, parlant de la FFRP, des topos guides, GR et autres balisages qui permettent ainsi de traverser la France en un maillage étroit. Un commandant qui jusque là écoutait sagement demande si j’ai fait la Corse et les sentiers locaux, le GR20. Lui ayant été en poste à Calvi, connaît évidemment très bien.
Le lieutenant revient poliment à la charge, voulant percer le « secret » de la force qui guide mes pas et chaque jour nouveau me permet de marcher encore.
- Je pense que tout repose sur la force de caractère, la volonté et la détermination. C’est bête à dire, mais il suffit de vouloir pour y arriver et lorsqu’on a un coup de moins bien, se dire que ce n’est pas insurmontable. Dans les coups durs, il faut penser à autre chose, anesthésier la fatigue ou la douleur dans des sensations heureuses. Et si ça ne marche pas, gueuler un bon coup bien sûr !
Bien au-delà de la petite gare d’Evette-Salbert, les jeunes continuent d’arriver, de nulle part et de partout. La grimpette en sous-bois vers le fort de Salbert ramène aux réalités du GR dans une sérénité retrouvée. Châlonvillars et je pousse assez rapidement jusqu’au bois dit de Mandrevillars n’ayant qu’une hâte, arriver, monter la tente et me poser enfin.
Jolie source aux fondations circulaires et à caractère historique, au niveau de la ligne à haute tension.
Dans ce bois infesté de tiques, nul bruit dérangeant. La journée a été d’une rare prodigalité kilométrique car une estimation minimaliste autorise à avancer le chiffre réaliste de quarante kilomètres parcourus.
A cela s’ajoutent trois départements traversés : Haut Rhin, Territoire de Belfort et pour quelques heures de sommeil, la Haute Saône.
Date de création : 09/02/2008 @ 17:09 Réactions à cet article
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