Texte à méditer :  Entre le ciel et la terre, il n’y a qu’une demeure temporaire.   BOUDDHA
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ALPES - GR5 - JOUR 19
Jour 19 – 5 juillet 2005
 
 « Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai ».
.
 
Avant même le point du jour, par une fraîche rosée je m’éclipsais. Dommage pour le maire et son café et adieu à la maréchaussée !
Vandoncourt, personne dans les rues à cette heure là, à part eux et moi. En rang d’oignon sur le trottoir, cinq débiles me voient arriver de loin. L’un d’eux, en bout de file, gesticule sur place tel un métronome surexcité. Ils parlent fort et me dévisagent avec une curiosité venant rompre la monotonie des petits matins glauques.
Une voix s’exclame : « une randonneuse ! ».
Un autre, plus avisé rectifie sûr de lui : « Non, UN randonneur », en marquant d’un ton martial la masculinité du visiteur. Une fille d’ajouter : « et avec des cannes en plus… ». Le dénivelé symbolique de cette contrée ne nécessitant pas outre mesure l’utilisation de bâtons, ils ont dû me prendre pour l’un des leurs !  
Au sommet du village, la fontaine qui dégouline du flot bouillonnant d’une eau limpide mais administrativement « non potable » est une pause obligée pour le randonneur assoiffé qui, pour plus de simplicité et commodité préfère souvent oublier toute aptitude de lecture.
 
 
Le pont sarrasin n’est pas l’attraction du siècle, tant son arche enjambe modestement l’espace entre deux blocs de rochers aisés à contourner. La balade en sous-bois et prairie permet de joindre ainsi de petites localités de campagne isolée et tranquille.
8h30 à Abbévillers, les tous petits attendent sagement le car au creux de mamans attentionnées. 
Retour sous le couvert du bois, pour une longue descente sur voie pavée aux allures de patinoire ou sentier de terre boueuse. Là encore, deux biches sortent d’un pré, vous toisent sans plus de crainte et disparaissent en poignées de bons agiles sur le bombé protecteur d’une colline feuillue.  
Deux semaines durant, la frontière allemande bornait le lointain avec la tranquille certitude des choses qui ne sont pas destinées à finir jamais. Aujourd’hui, enfin et pour la première fois, une pierre gravée, mangée de ronces et verdure mêlées matérialise la jonction avec le territoire helvète. La frontière suisse comme un cadeau, comme l’évidence d’une marche bien réelle effective et concrète. Instant d’émotion, de plaisir et contemplation avec autant de joie qu’un archéologue dégageant les vestiges d’une route inca dans les tréfonds enchevêtrés d’une jungle amazonienne. En ligne de mire, résolument, le lac Léman. 
 
 
Dans l’immédiat, huit bons kilomètres serpentent entre les collines boisées, tantôt en montées ou descentes, vers le Sud, l’Est ou l’Ouest. La frontière est bien perméable, puisque le tracé qui la matérialise n’est bien souvent qu’une simple ornière boueuse jalonnée régulièrement de stèles de pierres frappées des emblèmes nationales respectives. Je suis le maillage important de ces bornes frontalières pendant près de deux heures, sans pour autant constater de différence significative entre les deux rives d’apparente gémellité.  
Même forêt, même température. Pas la moindre petite odeur de chocolat, pas le moindre lingot d’or ne s’échappe du côté gauche, helvète ! Une actrice avait prétendu dans les années 90 que « l’air est moins pollué en Suisse… ». Il est tout aussi humide, assurément. 
Interminable sentier en pleine forêt au panorama et visibilité limités, pas le moins oppressant mais changeant les minutes en heures tant le temps et les repères sont gommés dans le couvert de cette forêt à la direction tourmentée.
 
 
Au-delà de Villard lès Blamont et de sa providentielle petite épicerie, le soleil daigne enfin nous faire l’honneur d’un pâle éclat. Peu de contacts, peu de rencontres aujourd’hui, si ce n’est dans les villages à la densité aérée. La place de l’église de Chamesol concentre les commodités d’usage pour le randonneur en quête de repos momentané : des bancs, une fontaine, une cabine téléphonique (à pièces encore) et à quelques pas, la poste qui fait office de bibliothèque.
La serviable matrone qui officie dans les murs a soudain des étincelles au fond des yeux à l’énumération de la longue litanie des points de passage à venir dans les Alpes qu’elle connaît et dit aimer : la Chapelle d’Abondance, Samoëns, Anterne ou le col de la Croix du Bonhomme, etc. Quand elle était jeune, avec son mari elle aimait randonner beaucoup, explique t-elle comme pour s’excuser de ne plus pouvoir maintenant, par manque de temps, à cause des enfants. Un peu de tristesse dans sa voix, tandis que le dernier de ses gamins, protégé derrière la robe à fleurs maternelle, me dégaine un pouce et un index levés, pistolet d’enfant dans le Far west campagnard.  
 
 
Le sentier franchit un beau et vaste plateau où se mêlent harmonieusement bois et culture puis descend à la rencontre de la rivière qui donne son nom au département tout entier : le Doubs. Un pêcheur à la mouche dans le lit du paisible cours d’eau, deux fermes ancestrales et traditionnelles à l’imposante ossature de bois, un petit troupeau de vaches ruminant sur fond de forêt dense, voilà paysage de carte postale que l’on dirait typique, immuable.
Peu après le pont sur le Doubs à Soulce-Cernay, un vieux panneau métallique rouillé en son centre maintenant sécable rappelle encore le caractère européen du sentier. Une vingtaine de minutes plus loin, après avoir coupé par deux fois la route, on débouche sur un champs plat à l’herbe d’un moelleux incomparable, le tout protégé par une haie végétale sur trois côtés. Ce champs ferait une aire de bivouac merveilleuse si un mince filet d’eau y coulait. Calme plat, quelques ruines ou maisonnées éparses, jointes par une piste récemment goudronnée à l’inclinaison longue et douloureuse pour une fin de journée.  
D’après la carte, deux cents habitants se regroupent au village de Courtefontaine. Je n’en verrai que trois. La première est une femme un peu pressée à qui je demande la possibilité d’une épicerie. Elle me parle évasivement d’un restaurant fermé dont je n’ai cure. A proximité de l’ancien lavoir joliment bâti, je frappe au hasard chez un jeune couple car leur maison semble la seule animée. Ils sont charmants, jeunes et sympas. Il remplit ma bouteille d’eau et demande s’il peut faire autre chose pour moi. Je saute sur l’occasion et sans plus de pudeur, de honte ou de scrupules, je demande volontiers un morceau de pain puisque selon l’usage d’une chansonnette, les vivres viennent à me manquer !   
 

 
Au cours de randonnées, surtout si l’on est seul, on perd bien vite la pudeur ou l’orgueil dans lesquelles on se couvre dans le quotidien de la vie. Les centres d’intérêts ou nécessités deviennent basiques, naturels, voir primitifs et se confinent autour du « boire, manger, dormir ». Plus de faux-semblants et autres tracasseries urbaines. Il faut aller à l’essentiel, le seul qui suffise à vivre, à être heureux, se sentir bien, être libre. Je me souviens que lors de la traversée des Pyrénées, je n’avais résolument aucune gêne à converser de longues minutes avec des randonneurs ou villageois alors qu’un de mes caleçons tentait de sécher dans la poche filet de mon sac, aux vues du monde entier. La randonnée grâce à l’effort intense qu’elle engendre permet à l’esprit de se dégager des futilités artificielles nées du confort obséquieux de la modernité. Elle permet à l’homme de rester un homme et pas un être corrompu par l’esprit marchand de sociétés qui veulent susciter de faux besoins à seule fin de profits financiers sans cesse accrus.
Nécessité fait loi. J’ai faim : je demande du pain.
Il m’est offert avec générosité, sans suspicion ni mépris, car sans savoir qui je suis, on sait où je vais.
Peu avant la D201, une vaste prairie parcellée de clôtures sera un convenable lieu de bivouac, à l’issue de cette journée de 9h30 de marche effective, car Dasle et son préau sont déjà si loin.  
Les cloches des différents troupeaux se répondent en écho tandis que le soleil décline lentement derrière la colline boisée. Au bout du champ, un renard sautille autour d’une proie. Plus loin, une chatte promène ses petits en file indienne.
La soirée est douce, je suis épuisé.
 

Date de création : 09/02/2008 @ 17:50
Dernière modification : 22/07/2008 @ 11:01
Catégorie : ALPES - GR5
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