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ALPES - GR5 - JOUR 20
Jour 20 – 6 juillet 2005
En m’endormant j’avais mis tous mes espoirs dans un ciel clément au matin car le crépuscule s’annonçait calme, serein, sans nuage à l’horizon, un vrai petit bonheur bleuté. L’ouverture de la porte de la tente est toujours un instant redouté, une espèce de roulette russe. Et ce matin, j’ai perdu. Dès six heures, avant même que la montre ne sonne un bien matinal réveil, une première averse ne laisse rien présager d’exceptionnel côté ensoleillement. Je plis bagage sous les gouttes et m’en vais mollement sous une seconde averse. Je suis bien le seul crétin dehors sous la pluie à cette heure là, car même les vaches qui me regardent passer avec des yeux vides, sont statiquement agglutinées autour des troncs d’arbres, modestes protections naturelles.
10°C, la température a déjà atteint son paroxysme et ne bougera plus de la journée.
Un jeune renard s’accommode mieux de l’humidité dans une clairière proche du hameau de Fessevillers. Il sautille entre les fougères, s’arrête un instant et me salut d’un panache roux fuyant. « Gîte d’étape ouvert 7/7 jours et 24/24 heures ». Pas la moindre intention de vérifier la véracité du panneau, tant la pluie redouble, au milieu d’une légère nappe de brouillard.
La balade serait agréable et les paysages de champs et bois attrayants sans cette météo de « dimanche de novembre en Ecosse ! ».
Une petite chapelle de bois au lieu-dit « Sur le Mont » mérite un peu d’attention, car son architecture toute de bois fait penser à certaines églises scandinaves façon bois debout.
Je demande naïvement à un agriculteur s’il va faire beau aujourd’hui.
« On peut pas dire. Entre les gouttes et les averses, peut-être !... »
Honnête réponse.
Deux à trois petits blockhaus enserrent le sentier qui maintenant descend de manière assez raide à travers bois et champs, jusqu’à Goumois.
Prospère petit village que Goumois qui jouît de sa position sur le Doubs comme attrait touristique majeur. De petites maisons s’étagent jusqu’à la rivière frontalière. De l’autre coté du pont flotte le drapeau suisse sur une guérite depuis longtemps désertée. Un bureau de poste, une petite supérette, quelques boutiques à touristes, le luxe à portée de main pour le randonneur voulant se frotter en douceur à la société de consommation ! Concession à la modernité, la cabine téléphonique est encore à pièces… Accalmie passagère, armistice temporaire durant la halte d’une heure dans le village et sitôt la dernière rue franchit, devinez quoi : la pluie refait des siennes. Ce sont ainsi trois belles averses presque interminables qui se succèdent trois heures durant. Le sentier qui longe le cours du Doubs est d’abord bien protégé par une dense toison de feuillus et la canopée procure une espèce de gigantesque parapluie naturel quasiment étanche. On marche au sec et la pluie tombe en ricochets fournis sur les eaux vertes et tranquilles. Puis la forêt s’éclaircit, fait place à des sapins moins nombreux et je ramasse tout ce qui peut tomber du ciel avec la désagréable mais intemporelle sensation d’être figurant malgré moi dans « Aguirre ou la colère de Dieu ». Magnifique histoire de conquistadors avec Klaus Kinski, qui perdus en pleine forêt amazonienne passent le plus clair de leur temps à marcher dans un décor verdoyant conséquence d’un déluge d’eau permanent. Il pleut tellement maintenant que tous les quatre pas, une goutte se forme sur le bord de mon chapeau, entre les deux yeux et quitte le navire, sans doute trop humide pour elle !
Marcher ainsi des heures sous une pluie fine, un crachin ou des averses fournies et durables nécessite d’avoir une force de caractère importante pour prendre sur soi, faire face aux éléments qui s’opposent avec une férocité glaciale et dégoulinante à l’avancée. Car il faut bien avancer, un peu, le plus possible, coûte que coûte. Marcher sous la pluie, en étant trempé et en se trempant plus encore à chaque nouveau pas dans les hautes herbes est l’une des pires choses qui puissent arriver en randonnée. On peut se perdre bien sûr, avoir des ampoules ou se sentir fatigué ou découragé parfois, mais la pluie ne s’arrête pas d’un coup de baguette magique et aucun pansement n’absorbe son humidité qui ronge jusqu’aux os. Rien de pire pour moi que de marcher sous la pluie, chose à laquelle je m’astreins et me force en espérant découvrir une éclaircie au détour du sentier, un abri, un toit salutaire, le prochain hameau signe éclatant de l’avancée significative de la marche.
Rien.
Rien de rien pendant longtemps, pendant plusieurs hectolitres déversés sur ma carcasse détrempée. Alors on prend sur soi, se disant que ça va venir, que ce n’est plus qu’une question de temps, de kilomètres.
Toujours rien.
On commence alors à pousser une belle gueulante après la branche mouillée qu’on n’a pas vue et qu’on prend en plein visage. On hurle après le sentier, le temps, les gens. Et de guerre lasse, comme la tension nerveuse n’a qu’à peine faiblie, on continue de marcher en serrant un peu plus les dents et en traînant les pieds d’un pas plus lourd. Soudain au milieu de nulle part, une petite bicoque de planches vermoulues, un abri comme un placard à balais avec un toit dessus. Trois mètres carrés de superficie maximale, une micro table avec son banc, un poêle et pas la place de se tenir debout. N’imaginez pas même vous allonger. Des toiles d’araignées à gogo mais du vent pas trop. Savourer quelques minutes de repos et s’égoutter un peu avant de repartir pour une autre rincée d’une infinie mélancolie.
Marcher, marcher encore, une heure peut-être et atteindre une clairière avec en son centre une ruine réhabilitée. Bienvenue à l’abri de la Charbonnière (636 m). Un vaste toit abrite une table pour douze convives. Des emplacements à barbecue, une cave obscure et suintante d’humidité, ainsi qu’une belle collection d’outils anciens complète le décor. 14h37, un peu tôt pour s’arrêter vous en conviendrez. Au sec mais dépité par ces mètres cubes qui inondent joyeusement le toit j’essaye bien de garder un peu d’espoir, un soupçon de confiance, une once d’optimisme. Cela finira bien par passer et la pluie par s’arrêter. 17h00. Il faut prendre une décision. Je monte la tente « à la sagouin » sous l’abri et m’y allonge pour une sieste réparatrice et salvatrice. Il pleut encore et toujours, en alternance sans trop de place pour les éclaircies hélas. Et demain ?
En cet instant, mes pensées vont vers Christophe qui m’a accompagné du Grand Ballon jusqu’à Thann. Il pleuvait déjà et je lui avais catégoriquement affirmé que jamais au grand jamais, je ne marchais sous la pluie. Il rirait bien s’il me voyait ! Comme une évidence, les vêtements lavés à Thann ne sont toujours pas secs au bout de cinq jours…
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10°C dehors, 14°C sous la tente et un convenable 22°C dans le duvet.
Date de création : 09/02/2008 @ 20:44 Réactions à cet article
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