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ALPES - GR5 - JOUR 21
Jour 21 – 7 juillet 2005
La pluie persistante n’en devient que plus monotone, le thermomètre rebelle à toute progression persiste à renier la saison. A dix jours de canicule alsacienne succéderont ils dix jours de mélancolie ? Le tee-shirt et la polaire mêlés de transpiration et des souillures de pluie pendouillent imperturbablement trempés, gorgés d’humidité, de morosité. Ils demeureront inutilisables aujourd’hui encore. Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil et que… non, je m’égare ! Il me semble que le thermomètre est peut-être cassé tant il s’accroche obstinément à ces 10°C depuis des jours et des jours qui n’en finissent plus de durer. En une poignée de jours, l’amplitude thermique a chut dans des profondeurs abyssales, allant de 46 à 10 degrés.
Le passage des « Echelles de la Mort » fermé tout l’été oblige a emprunter la variante basse, le long du Doubs, jusqu’au Refrain. Dès lors, beaucoup de kilomètres se font sur le goudron de petites routes vicinales jusqu’au barrage du Refrain. La journée durant nous allons remonter le cours du Doubs. Rivière d’importance à Goumois, au fil des heures et des barrages multiples, il n’est bien vite plus que peau de chagrin, ruisselet de montagne au cours tranquille.
Au lieu-dit « la Rasse » noyé au milieu de ce crachin perpétuel qui pourrait résister à l’invite langoureuse sur le mur de la bâtisse : « hôtel restaurant ». Le vieux parquet de bois patiné, le mobilier rustique et campagnard, la décoration soignée confèrent au lieu une douce quiétude dans laquelle il est aisé de s’abandonner. On me propose très gentiment de faire sécher ma polaire près du poêle dans la cuisine parfaitement équipée. J’accepte avec grand plaisir, plus pour m’approcher de la chaleur du foyer que pour le vêtement que je sais trop trempé. Un chocolat chaud servi dans la salle à manger avec un soupçon de musique classique en fond transporte d’aise.
Trempé jusqu’aux os je suis puisque les dents se mettent à claquer et le corps à grelotter sitôt au contact des frimas de l’automne. Pendant dix longues minutes, le corps s’emballe, tente de se défendre, de combattre comme il peut l’humidité qui ronge. La progression le long du Doubs devient alors plus mouvementée, tantôt dans les hautes herbes détrempées, parfois dans les pierriers ou en utilisant même quelques échelles métalliques pour grimper à l’assaut de rochers verticaux mais sans danger aucun. Paysages et nature au sol changeant, au fil des heures et des kilomètres qui viennent rompre la lancinante monotonie des jours passés. Une providentielle cabane en rondins toute mignonne, nue à l’intérieur permet de faire le point (abri de Mont).
La Chaux-de-Fonds est à quatre kilomètres dans l’Est, et décision est prise d’atteindre ce soir Villers le Lac, coûte que coûte. Les affaires de rechange sont trempées, la polaire nage la brasse coulée et je n’ai pas l’intention de passer une nouvelle nuit dehors à cailler dans la boue. Ce sera donc marche forcée jusqu’à cette ville où je compte dormir au sec et me retaper un peu.
Des passages en corniche au pied de mini falaises, encore des échelles et de bonnes grimpettes dans les bois donnent un peu de vie à l’itinéraire du jour et le rend très attrayant.
L’arrivée sur le barrage de Chatelot semble mise en scène tant on semble l’avoir vue et revue dans les films à grand spectacle américains. Le bois s’éclaircit (le bois, pas le ciel !), le champ de vision s’entrouvre progressivement dans la combe où un interminable escalier métallique serpente jusqu’à laisser admirer l’étendue de l’ouvrage haut de soixante quinze mètres, en une vision plongeante.
Le panorama prend des airs scandinaves avec des cabanes de bois posées au bord de l’eau, des barques de pêcheurs comme le long d’un fjord jurassien. Bien avant de le voir on en perçoit le tonitruent grondement. Un belvédère permet d’admirer le Saut du Doubs, gentille cascade au débit plus large que haut. Les promeneurs ici plus nombreux annoncent les baraques à touristes toutes proches. Un joli embarcadère cintré de coquettes bicoques attendrissantes et chalets à friture ouvre l’accès sur une sorte de fjord.
Véritablement une langue de mer sillonne entre de fortes collines et hautes montagnes couvertes de forêts denses. Manquent les saumons et rennes pour se croire réellement au-delà du cercle polaire arctique. Pas plus de soleil ici, ni à midi, ni à minuit ! La navette fluviale sonne le rappel des touristes et file au long des flots jusqu’à Villers le Lac. Sept longs kilomètres de bitumes sur une route très largement secondaire, car je me réserve pour la traversée du lac Léman. Hé oui, nous n’avons pas les mêmes valeurs !
Du point culminant de la route rapidement atteint, les trouées dans les arbres permettent des panoramas envoûtants sur ce fjord tout en rondeurs et verdure.
En arrivant dans une localité, il faut mettre le maximum de temps à profit pour le repos. Ne pas chercher, se démener en tous sens, aller droit au but et donc interroger la personne ou le service le plus à même de renseigner correctement. Comme bien souvent dans les petits bourgs, je gagne le bureau de poste généralement situé à l’ombre du clocher. C’est vrai, allez vérifier dans les petits villages de France ! Me voyant essoufflé et assoiffé, les deux préposées m’offrent avec gentillesse une petite bouteille d’eau minérale et m’indiquent de surcroît le gîte d’étape local.
Efficacité, convivialité, opportunité.
Le gîte, quoique modeste bâtisse à la sortie du village est une agréable oasis de repos.
Le linge va enfin pouvoir sécher et moi me galvaniser sous l’eau chaude. Premières informations depuis longtemps. La télé offre l’écœurant spectacle d’une édition spéciale couvrant les attentats islamistes à Londres. Cinquante morts innocents perpétrés par une poignée de crétins bloqués dans une idéologie près moyenâgeuse. Date de création : 10/02/2008 @ 10:04 Réactions à cet article
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