Texte à méditer :  Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté.   CONFUCIUS
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Plaine de la Queyrie au petit matin
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ALPES - GR5 - JOUR 33
33e jour – 23 juillet 2005 (+6 de Thonon)  
 
-          Oh, un chamois, un chamois !
Pas encore 6h30, un gamin particulièrement matinal commente à grandes envolées ses découvertes au fur et à mesure qu’avec ses parents ils gravissent les flancs du col d’Anterne.
-          Oh, une tente, une tente…
-          Oui, aux premières loges pour jouir d’un tel panorama, ajoute sa mère.
 

 
Cet indice révélateur d’une météo favorable me pousse à ouvrir la tente d’une main encore peu sûre, le cœur palpitant. Un ciel bleu uniformément dégagé offre un panorama exceptionnel sur le Mont Blanc et l’aiguille du Midi. Tout scintille et se découpe avec générosité sur l’immensité bleutée de l’horizon. Splendide et phénoménal panorama sur 180° où la nature dans sa clémence récompense de bien des peines, souffrances ou privations endurées. Le Mont Blanc au réveil. Des millions de personnes se lèvent, se préparent à aller travailler. Leur décor quotidien alternera invariablement entre les embouteillages des banlieues grises, les couloirs du métro, le béton, le bruit et la cohue. A la même heure, je viens d’atteindre le Nirvana, l’extase des sens, la quintessence du bonheur face à ce majestueux Mont Blanc au réveil…
Rare privilège d’initiés ou de marmottes ! Ainsi la ténacité a payé. Il s’est avéré gagnant de franchir le col avant la nuit afin d’y trouver une meilleure exposition, sur cette large terrasse herbeuse entre le col et le refuge d’Anterne. Avec le caméscope, je zoome sur la ligne de crêtes, suis les glaciers, plonge dans les séracs bleutés et me lance dans d’irréelles cordées à l’assaut du toit de l’Europe. Sagesse et plénitude, respect et modestie émanent de ce lieu qu’il devient difficile de quitter sans un regret. Direction le Brévent avec une gigantesque partie de « saute montagne » en forme de W. Suivra une belle et interminable descente sur les Houches, de quoi rassasier pour un temps les plus affamés de dénivelé ! Je vous avais bien prévenus que ce ne serait de tout repos. Le refuge du col d’Anterne nous salut de son groupe électrogène pétaradant à plein régime et qui libère hélas en ces lieux idylliques l’essence même de ce qui me pousse à fuir les villes. Entre deux halos de fumée grise, le Mont Blanc se fait terne, neutre, banal presque insignifiant, illusoire. Ce n’est pas Mozart, mais le Mont Blanc qu’on assassine.
 
 
Les chalets de Moëde et leurs spongieuses tourbières donnent à descendre vers le pont d’Arlevé, tandis que le Mont Blanc se tapie imperceptiblement derrière le massif des Aiguilles Rouges. « Descendre » est toutefois une vue de l’esprit car la passerelle d’Arlevé demeure accrochée à 1597 mètres d’altitude, enjambant la bouillonnante Diosaz.
Même si elle ne préfigure pas les ponts de liane des Andes ou les fragiles passerelles d’équilibre himalayennes, le franchissement de celle-ci marque un tournant dans l’aventure pédestre. La grande borne de pierre rappelle s’il était besoin l’entrée dans une nouvelle réserve naturelle garante de la diversité de nos montagnes. Mais bien plus encore, ce sont deux localités que tout oppose qui ici trouvent une résonance manifeste touchant au cœur et au corps du randonneur. Deux mots insignifiants et monstrueux à la fois : Amsterdam et Nice. Les deux extrémités cardinales du GR5. Des milliers de kilomètres de marche, d’efforts, de souffrances et d’abnégation. De la mer du Nord à la Méditerranée. Cela ne tient plus de la randonnée, de la longue marche mais du sacerdoce pédestre qu’entreprendre une telle distance inimaginable. Des Pays-Bas aux confins de l’Italie…
 
 
De cette passerelle aux eaux bouillonnantes de vie, ce sont encore près de mille mètres d’ascension qui attendent sagement notre venue jusqu’au sommet du Brévent. Une longue et presque rude montée de quarante-cinq minutes pour se retrouver face aux ruines antiques des chalets d’Arlevé. Ici le sentier s’évase, donne naissance à un vaste plateau en terrasse semé de rhododendrons et gentianes jaunes mêlés. Du flanc de la montagne, de multiples filets d’eau, ruisselets ou torrents abreuvent cet espace où le bivouac possible serait sans doute agréable et apprécié, face aux déjà lointaines falaises d’Anterne. On a peine à imaginer en contemplant ces pans de murs éventrés qu’ici, avant, il y a sans doute longtemps, des hommes cultivaient la terre, élevaient des troupeaux et tentaient avec force peine et modestie d’arracher quelques maigres subsides de ces arpents de montagne isolés de tout, isolés du reste du monde ou presque.
Quelle était la vie ici ?
Et l’hiver aussi ?   
Le ciel se gorge de nuages, le Mont Blanc décline, il ne fait plus que 14°C.
 
 
Les dernières terrasses atteintes, le sentier se fait plus pentu, maintenant à la base des parois rocheuses, décrivant d’interminables séries de lacets de plus en plus sinueux mais sans danger. Chaque pas supplémentaire fait gagner vingt bons centimètres de cet escalier de gravillons puis nous voilà dans une espèce de gorge étroite façon « mini canyon » menant à la cité oubliée de Petra. Le vent s’engouffre à tout va dans cet entrelacs minéral où ne vivent plus que des pierres, des cailloux et des rochers immobiles. Le chemin grimpe au milieu de cette minéralité abrupte, parfois soutenu par une petite arche de pierre ou un éboulis disgracieux. Sentiment de plénitude et d’isolement appréciable avant de déboucher au col du Brévent. A 2368 mètres, la vue est saisissante, le contraste également. Du col on peut enfin admirer le Mont-Blanc dans toute son immensité qui ici mieux qu’ailleurs écrase l’horizon de son immaculée concrétion. On se sent petit, insignifiant et béat devant cette masse majestueux et parfois oppressante de blancheur.
 
 
Aux pieds du géant de glace, Chamonix s’étire entre les infrastructures touristiques et son tunnel de sinistre mémoire. La montée au col du Brévent vide le randonneur de beaucoup de forces et le moral en prend même un coup lorsqu’on découvre ne pas être le seul à savourer l’heureux panorama longtemps escompté. En effet, des promeneurs, que dis-je, de simples touristes sont assis voire stationnés au col, dans leurs dérisoires shorts et basquettes de ville. En quelques minutes et deux stations de télécabines, ils sont montés sans effort de la vallée jusqu’au Brévent et se sont donné l’illusion de promenade et d’aventure montagnarde en osant venir jusqu’au col du Brévent dans un pareil accoutrement urbain. Le mieux équipé d’entre eux dispose d’un kway enroulé autour de la taille. 10°C et ils s’en donnent à cœur joie, pioupioutant de-ci de-là tandis que je suis épuisé, recroquevillé derrière un rocher, abri rudimentaire contre un vent tournoyant et glacial. Une quarantaine de minutes plein Sud en direction de la gare sommitale du téléphérique, de l’autre côté de l’arête dans un paysage pelé et battu par les vents. Végétation rase et rare, quelques petites échelles et mains courantes et voici le quai de métro à l’heure de pointe. 2525 mètres, bienvenue au Brévent ! Table d’orientation, restaurant panoramique, buvette et melting-pot de langages et d’ethnies agglomérées en ce minuscule point d’altitude bientôt enrobé de brouillard. Même si le Mont-Blanc n’a jamais été aussi proche, on s’imaginerait ici de pouvoir le toucher, il s’en est allé dans les nuages et cette déconvenue météo ne semble guère perturber l’enthousiasme d’un groupe de japonais fraîchement débarqués du télécabine. Aussitôt sortis, ils envahissent l’espace, courent en tous sens, se photographient au milieu de nimbes grisâtres où est supposé apparaître à nouveau le Fuji-yama français, objet de leur palpitante curiosité. Deux anglais outillés de cordes et piolets, pulls jacquard et bonnets à pompon savourent avec une retenue toute britannique une bière comme s’ils étaient sous le fog si cher à Jack l’Eventreur !
Des allemands, quelques scandinaves et espagnols, italiens, une poignée de français aussi.
Observer la manière dont sont chaussés les gens révèle immédiatement le niveau de leur motivation alpine !
En descendant le GR en direction des Houches, il vous arrivera certainement de croiser de longues cohortes de promeneurs essoufflés, provenant sans doute du lointain lac du Brévent. Tapis sagement au fond d’une cuvette rocailleuse sans trop d’intérêt ni d’attrait le lac surnage au milieu des éboulis, pyramides de roches et autres constellations de cailloux.
 
 
Un long faux plat aisé, deux raidillons permettent de savourer le panorama exceptionnel sur le glacier des Bossons depuis le petit refuge de Bel Lachat. La terrasse sur pilotis domine un peu le vide et semble un portique incontournable donnant à monter à l’assaut du géant de glace qui s’étire majestueusement sur plus de huit kilomètres jusqu’au fond de vallée. En face la pente est rude, atteignant 50 %. Une nouvelle fois, l’homme mesure ici l’immense poussière qu’il est vraiment face aux éléments, à la nature, à la Terre elle-même.
A quelques pas du refuge, le sentier devient plus abrupt, avec des passages encore larges en escaliers de bois mais donnant directement dans la pente au dénivelé parfois impressionnant pour qui a le vertige. La sensation de verticalité s’atténue parfois mollement grâce à la présence rassurante mais bien trop peu présente d’arbustes ou de végétation offrant un virtuel barrage au vide. Tout cela demeure encore supportable, mais plus bas, sur les rochers, un passage en surplomb équipé de mains courantes est bien moins rassurant. Heureusement qu’il fait beau, car par temps de pluie, je ne me serais pas laisser tenter par l’expérience des rochers détrempés au dessus du vide… Juste avant d’arriver au Merlet, ce passage point trop délicat mais où il faut faire preuve d’un peu d’attention. Le couvert du sous-bois annihile les dernières frayeurs et la statue géante du Christ Roi accueille de ses bras largement ouverts.
 
 
Cette massive statue d’une vingtaine de mètres de haut date de 1934. A cette époque, l’Abbé Delassiat la fit construire, car elle symbolisait pour lui l’indéfectible suprématie du bien sur le mal. Il espérait pieusement qu’elle protégerait les hommes des horreurs de la guerre et saurait toujours les maintenir sur le vertueux chemin de la bonté. Il ne restait que cinq années avant la Seconde Guerre mondiale. Le poitrail de ce Christ de béton expurge un trop silencieux PAX en face du village des Houches.
Il faudrait le crier, le marteler aux hommes et non pas le figer sur une statue lézardée de vains espoirs idylliques.

Date de création : 13/02/2008 @ 10:14
Dernière modification : 22/07/2008 @ 11:03
Catégorie : ALPES - GR5
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