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ALPES - GR5 - JOUR 36
36e jour – 26 juillet 2005 (+9 de Thonon)
Connaissez-vous chose plus appréciable que de pouvoir se laver et raser à cette altitude face à un panorama aussi exceptionnel ? Avec de l’eau chaude c’est mieux effectivement ! Mais vous êtes ici face à la Pierra Menta que les premiers rayons du soleil commencent à peine à effleurer, délicatement et avec le plus grand des respects dus à ce pic de quasi légende. Cette espèce de monolithe géant ressemblant à un large obélisque tronqué écrase tout autre pic ou sommet à la ronde, du haut de ses 2714 mètres affûtés. Cet immense dolomite semble un doigt pointé vers le ciel de et sa verticalité laisse pantois. La Pierra Menta est aussi une course exceptionnelle de ski alpinisme qui se déroule au mois de mars dans les paysages montagneux et enneigés du Beaufortain. Au programme sur quatre jours de folle échappée, plus de dix-mille mètres de dénivelé positif à gravir, à avaler, à supporter jusqu’au bout de soi, jusqu’à l’arrivée et la délivrance. Hommage et révérence à ce pic que des centaines d’athlètes et véritables passionnés tenteront par équipe de deux de gravir et contourner lors de la vingtième épreuve, l’hiver prochain. Leur récompense, au-delà d’un classement de papier sera la joie d’avoir participé, le plaisir d’avoir dépassé ses propres limites et les chaleureuses festivités largement ouvertes à la population montagnarde. Un esprit de compétition dans le respect encore de certaines valeurs saines et naturelles que la plupart des sports d’équipe actuels ont noyé sous le profit et les salaires infectes de milliardaires.
Seuls les meilleurs parmi les meilleurs sont aptes à prétendre au départ. Serez-vous de ceux-là ?! Pour ma part aujourd’hui, je me contenterai de quelques mille sept cent quarante mètres de dégringolade pour passer du pittoresque refuge de Presset au fond de vallée encaissée du village de Bellentre. Cinq fois la hauteur de la tour Eiffel tout de même ! Départ à 8h25 qui est une heure largement suffisante pour ce que je qualifie de « journée de repos ». Oui, repos car je ne veux pas aller trop vite ni trop loin et surtout ne pas souffrir de fatigue inutile.
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Je marcherai donc au ralenti !
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Dernières photos des bouquetins toujours à léchouiller le sel du rocher, blasés sans doute par le petit lac et le panorama phénoménal qu’il propose. Un profond vallon où serpente un sentier étriqué et jonché de pierres rejoint le GR et ouvre sur le refuge de la Balme. Le drapeau du Tibet flotte en bonne place, au milieu des hautes herbes, orties ou rhododendrons gorgés encore de rosée.
La Pierra Menta se fait de plus en plus haute à mesure que l’on descendant, dirait monsieur de La Palisse. Certes, mais le léger duvet blanchâtre dont elle se couvre les épaules lui donne un surcroît de beauté et de puissance parfois terrifiant que l’on n’ose imaginer lors de colériques tempêtes hivernales.
Juste après le refuge, le sentier devient une belle et large piste carrossable qui va en s’évasant dans les premiers alpages où paissent quelques troupeaux éparses de vaches. De l’aval montent qui en trottinant qui au pas de course, d’assez nombreux athlètes en quête d’entraînement et d’oxygénation optimum. En shorts, basquets hi-tech et maillots échancrés à la fine texture de moustiquaire, ils sont ainsi une bonne vingtaine, de loin en loin à s’endurcir sous les pentes de la Pierra Menta qui sans doute en obsède plus d’un.
Les alpages sont maintenant larges, truffés de quelques hameaux aux habitats dispersés, reliés par un vigoureux torrent débordant de fougue. Aux environs de la chapelle Saint-Guérin, un patriarche aux rides lustrées de soleil coupe méthodiquement les hautes herbes bordant le chemin avec une faux. A l’ancienne, comme avant, comme avant l’invention débile du rotofil à essence qui pue, assourdi et pollue. Echange de salutations et de sourire. Vive la faux et l’huile de coude et sus à l’esclavagisme des inepties du progrès ! Le sentier oblique sur le flanc des alpages, coupe à travers d’antiques hameaux perdus ( les Fours, la Lance) sauvés par des estivants nombreux qui en ont fait de louables résidences secondaires à la vue imprenable, au milieu du calme apaisant. Nul besoin de clôtures ici, l’air pur va où bon lui semble.
Je retrouve Bruno accroché à la cabine téléphonique de Valezan, à la sortie du village. Au bourg suivant de Bellentre qui fait presque figure de sous préfecture avec ses six cents habitants ( !!!), j’espère dénicher le bureau de poste ouvert. Sur la porte du local postal, il est indiqué : « ouvert uniquement le mardi ». Quelqu’un démentira ? Dans le petit réduit du café à la décoration minimaliste et dérisoire où sont alignés quatre autochtones face au comptoir défraîchi lui aussi, on s’excuse presque en affirmant que le bureau de poste n’ouvre :
- QUE le mardi. On est justement mardi, quelle chance !
- QUE de 10h à 12h.
Je suis arrivé le bon jour, mais une demi heure trop tard !
Je quitte là Bruno qui va faire un peu de stop pour gagner la gare SNCF de Bourg Saint Maurice où un de ses amis est sensé descendre pour venir randonner avec lui. Nous nous promettons ne nous retrouver plus loin, plus tard. Je ne le reverrai plus.
Par 719 mètres, nous touchons ici le fond de vallée en passant sur le pont qui enjambe l’Isère. Depuis Samoëns, jamais nous n’avons été aussi bas dans la vallée ! Cette rivière grisâtre charrie beaucoup de limons et ses eaux sont tout aussi troubles que sous le pont Saint-Laurent à Grenoble. Mais cette laideur immuable au fil des kilomètres ne m’effraie pas. Passer ici sur l’Isère réchauffe mon cœur, car là-bas, quelque part au loin il y a Grenoble dont je ne suis plus si éloigné. Franchir l’Isère matérialise surtout de manière indéfectible la progression de cette aventure trans-alpine.
Le GR devient soudainement bien trapu, puisqu’il coupe en plusieurs endroits la route, à travers champs ou sous-bois, en pleine croupe et sans plus d’aménité pour le randonneur harassé de soleil. Un peu dur à passer, mais très souvent ombragé de magnifiques arches de verdures apaisantes. Montorlin est aussi calme et tranquille que son voisin Montcharvin est animé, bruyant et grouillant. Ce truc n’est en fait qu’un grand complexe hôtelier et de loisirs sans plus d’intérêt. Pistes de ski, piscines, jeux gonflables et cours de tennis. En direction du Nord, on aperçoit à bonne distance les toits étincelants de Bourg Saint Maurice et un peu en retrait sur le flanc de montagne, les prémices de la station des Arcs.
Il est impressionnant de constater que pour une « journée de repos », le GR lui n’en fait qu’à sa tête et grimpe, grimpe encore jusqu’à hauteur d’une ancienne maison (la Jacottaz) à travers les pistes de VTT particulièrement fréquentées. Attention à ne pas égarer vos bâtons dans les roues des vététistes qui vous frôlent d’un peu trop près, cela ferait mauvais effet ! Retour à la normale en bifurquant à gauche, en sous-bois globalement plat et dense, au sol recouvert d’aiguilles de pins sur lesquelles il est si doux de marcher. Les chants mélodieux d’oiseaux invisibles tamisent l’ambiance d’agréables mélopées allégoriques.
Deux passages contigus méritent plus loin un peu d’attention, car constitués de zigzags descendant en bordure de falaise boisée. Pas dangereux au demeurant, mais un bon dénivelé en peu de temps où il faut faire usage des mains pour plus d’équilibre. Beaucoup de feuilles jonchent un sol meuble rendu dérapant par quelques gravillons décidément bien mal placés. Je ne suis pas très fana de ce genre de passage, mais avec des rangées d’arbres masquant le vide, l’appréhension affole moins le cœur.
Faux plats et quelques grimpettes alternent jusqu’à suivre le torrent que l’on remonte jusqu’au Moulin et une piste forestière nous fait découvrir le Palais de la Mine. Un circuit pédagogique agrémenté de panneaux explicatifs et reproductions de l’époque fait revivre les grandes heures de l’activité minière du pays. On apprend ainsi que sous Napoléon, la Savoie suscitait particulièrement la convoitise de ses richesses minérales. On créa donc en ces montagnes l’Ecole Pratique des Mines de Peisey.
Les différents bâtiments conservés en l’état ont un petit air de village fantôme, mais on imagine sans peine la poignée d’élèves ingénieurs venus en ces lieux mettre en pratique l’enseignement théorique approfondi à l’Ecole des Mines située à Moutiers. L’altitude, la rudesse du climat, l’extrême isolement des lieux ne permettaient pas de l’établir en cette forêt dense. En 1814, le retour de la Tarentaise sous le giron de la couronne de Sardaigne mit fin à l’Ecole de Peisey, rapatriée à Paris qu’elle ne quitta plus.
Le panneau de bois n’indique rien d’autre que « gué ». Trois gros rochers surnageant à peine d’un torrent bouillonnant servent de modeste passerelle où il ne faut guère s’attarder si l’on ne veut voir ses pieds mouillés !
La traversée du minuscule hameau des Lanches ne peut laisser indifférent tant l’architecture fusionne à merveille le bois, la pierre et même les toits recouverts de végétation rase. Plus loin, le chalet de Rosuel reprend ces matériaux dans une féerie ergonomique et un immense toit végétal arrondi des plus réussi. Bon nombre de touristes et de randonneurs rentrent de balade. Un robinet d’eau potable est aménagé à cinquante mètres : pause buvette. Il n’est encore que 18 heures (24°C) et l’envie de s’arrêter ici ne transpire guère. Trop tôt, trop de monde et surtout trop de dénivelé pour le lendemain. Vu d’ici, la suite du parcours grimpe à mi pente et file dans une étroite gorge. Tout cela est montagneux et caillouteux à souhait. Je tente ma chance et le hasard, en espérant bien trouver mon bonheur plus haut, en la présence d’un terrain plat et herbeux, juste quelques mètres carrés pour le minuscule abri.
Durant plus d’une heure, le sentier prend de la hauteur, serpente à flanc de paroi, entre la montagne et le ravin sans aucune possibilité de halte nocturne. Les innombrables cailloux et rochers, arbustes et bosses font le reste. Un petit passage rectiligne en forêt laisse entrevoir une substantielle amélioration. Globalement situé en face de la plus grande des cascades et sous le glacier faisant naître de beaux torrents sur le versant opposé, voici un petit vallon approprié. Des terrasses herbeuses s’esquissent, nous passerons la nuit ici. Le décor somptueux de cette fin de journée temporise la difficulté non négligeable de cette nouvelle bonne journée de marche effrénée.
L’immense cascade et ses petites sœurs qui déferlent du Mont Pourri et des différents glaciers qui s’y accrochent résonnent terriblement contre les falaises qu’un dernier rayon de soleil fait briller de mille étincelles d’or. Spectacle époustouflant d’immensité où la montagne d’un rien nous rappelle sa prédominance et sa magnificence totale.
Rapidement allongé sous la tente, je prépare une bonne gamelle de pâtes.
Sait-on jamais si j’ai droit demain à une seconde « journée de repos » de cet acabit, autant prendre des forces tout de suite !
1799 m de dénivelé négatif
1281 m de dénivelé positif
25 kilomètres au moins
Le tout avalé en à peine plus de huit heures de marche effective.
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La routine en quelque sorte… Date de création : 13/02/2008 @ 11:57 Réactions à cet article
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