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PYRENEES - GR10 - JOUR 05
Jour 5 – Vendredi 16 juillet 2004
 
Le champ au milieu duquel j’ai planté la tente peu avant 22 heures hier soir domine les environs et m’offre à découvrir un magnifique soleil s’extirpant sans grandes peines des brumes matinales enveloppant la vallée. Rien n’est plus beau que de voir se lever le soleil sur un jour nouveau. Tandis que je plis la tente du bout des pieds, un randonneur lourdement chargé d’un sac d’au moins 80 litres passe sur le GR10. Il n’est que 7h20.
Le sentier fait rapidement place à une petite route goudronnée, un chemin vicinal amélioré qu’il est parfaitement agréable d’emprunter, dans l’ombre fraîche de la colline, où deux bergers sont en palabres. Après les politesses d’usage et avoir répondu à leurs questions, déjà les mêmes que partout ailleurs, relatives à mon itinéraire ou la durée de marche journalière, je m’enquière de la présence d’eau. Une espèce de sixième sens hérité des jours passés ne me berce d’aucune illusion. La terre nourrit difficilement son homme dans la région et désaltère plus mal encore son randonneur. Je les écoute parler, de tout et de rien, de leur troupeau, du temps, des champs, avec un véritable plaisir tant l’accent d’ici gazouille à l’oreille de l’étranger que je suis. Ils disent encore que l’année dernière, les pâturages étaient encore verts à cette époque alors qu’aujourd’hui, ils sont au dernier stade de la jaunisse, virant irrémédiablement vers les champs faméliques du Sahel, à l’herbe rase et déjà sèche. Comme si la paille supplantait le gazon, sous l’effet non pas d’une machiavélique manipulation génétique ourdie par un consortium industrialo chimique, juste d’un dérèglement climatique prévisible. C’est juste la faute à pas de chance.
La meilleure saison pour marcher en Pays basque est selon eux l’automne aux couleurs chatoyantes. Il en va de même partout ailleurs,
du Queyras au Québec !
Le goudron se poursuit gentiment en pente douce jusqu’au col d’Ahanza (734 m) qui ne mérite peut-être pas une telle dénomination. Pas de vue, rien de significativement intéressant, pas d’eau non plus. Le couple d’italien me rattrape, emmenant dans sa roue, le couple « du ruisseau de Bidarray » qui très gentiment demande des nouvelles de mes pieds. Eux ont bien dormi et trouvé un très bon resto, me dit le mari. J’en salive déjà en me remémorant mon propre festin de choix.
Lentement, mais avec assurance, voir retenue, les nuages naissent sous l’horizon Ouest. Le soleil se voile progressivement jusqu’à être happé dans un ciel gris. Impossible maintenant de situer le soleil, de juger de l’heure. Le temps semble interrompu, annihilé. La météo ne laisse que trop peu de doute sur son devenir !
Retour sur les petits sentiers d’alpage, guidé par un bon balisage, fidèle jusqu’à Saint Jean Pied de Port. En chemin, je sens bien ma gorge tirer le signal d’alarme et taper du point sur la table : « Il fait trop chaud, faut trouver de l’eau, coco ! ». Une petite pataugeoire boueuse alimentée par un filet diaphane garde toutes fraîches les empreintes de brebis environnantes. L’eau que je recueille dans une petite bouteille descend du pâturage où vivent, mangent et se vident les moutons, arrive sur un petit rocher et je me donne l’illusion que la fine couche de mousse qu’elle traverse enfin la libère de ces nombreuses impuretés. Patiemment le goutte-à-goutte empli 50 centilitres d’une eau insipide mais rendez-vous de bon nombre de « baigneurs », animés ou non, identifiés ou non. Mais lorsque la soif vous tenaille on ne s’arrête pas à ça, buvant précautionneusement, à petites lapées, mais buvant tout de même.
Le Monhoa (1021 m) butte herbeuse dont le cône sommital planté d’un relais se repère de loin est le prochain passage obligé du GR10. Même triptyque animalier où se confondent laine, crin et plumes. Beaucoup de vent qui autorise les vautours à frôler le sol à proximité de proies en devenir. J’aurai bien vu l’installation d’une table d’orientation là-haut, car l’horizon s’étend loin, pour peu que les nuages ou le brouillard y restent, au loin ! En contrebas, dans une autre vallée, Saint Jean Pied de Port et ses hameaux satellites s’étendent, minuscules et lointains. Le topo guide stipulait clairement la présence de trois abreuvoirs, plus bas sur l’autre versant. Le tout premier, long de quatre mètres est bien alimenté d’une eau stagnante. Tout va bien, je pourrai me désaltérer sans trop de soucis. Je m’installe à proximité, libère mes pieds et grignote la dernière tablette de chocolat. Il sera plus que temps ensuite de tremper mes lèvres au calice qui régénère la vie. Pas pu dire ouf qu’arrive en une longue colonne, un troupeau de moutons qui entoure l’abreuvoir y plonge les têtes noires aux cornes entortillées. Les babines pavoisent bruyamment aux tintamarres des sonnailles, l’eau coule, gicle, certains mettent les pieds, d’autres moutons sautent carrément dans l’abreuvoir.
Finalement je n’avais pas aussi soif que ça !
 
Inutile de préciser que depuis la montée à la Monhoa, je n’ai plus vu mes compères de randonnée qui eux, marchaient à un rythme normal, c'est-à-dire sans boiter… Et ne les reverrai plus d’ailleurs, leur rando prenant fin en bas, à Saint Jean Pied de Port. Ce sont les descentes qui sont douloureuses, à cause des ampoules. Une poignée de jours encore à souffrir et je courrai bientôt comme un cabri, sur des pieds durcis, nouveaux, rétablis, coopératifs. Patience. De Béharria (880 m), le sentier ne cesse de descendre, d’abord sur l’alpage pour rejoindre une piste forestière que l’on suit et finalement sur le goudron jusqu’à atteindre le petit hameau de Lasse. On se croirait descendant hier, sur Saint Etienne de Baigorry tant les similitudes de physionomies sont nombreuses. Même sol, même pente, et même soleil bien sûr, de retour pour prodiguer un superbe cagnard à vous
couper la chique !
Les deux bergers rencontrés ce matin, me disaient qu’il n’avait plus plu ici depuis le 15 mai. Pas de vraie pluie durant les deux derniers mois. Et cela depuis deux étés déjà et la situation les inquiétait un peu d’autant qu’elle semblait prendre le pli d’empirer. Bien légitime.
La fournaise est telle aujourd’hui encore qu’il me faut laisser passer les heures difficiles où le soleil ne trouve d’adversaire à sa mesure. Le combat devient trop inégal, j’abandonne devant la minuscule mairie de Lasse (204 m) qui remplie à merveille sa fonction de service public grâce à une substantielle zone d’ombre providentielle.
Trois heures de fraîcheur.
Assis par terre, juste à côté de la borne à incendie, face à la cabine téléphonique et avec les toilettes publiques juste à l’angle, je suis comme un coq en pâtes ! Sortant les minis ciseaux, j’entreprends de me couper quelques peaux usagées d’ampoules décaties afin de faciliter la cicatrisation de mon seul moyen de locomotion. Tout ça presque sous les yeux de jeunes et jolies randonneuses allemandes, attablées au café d’en face !
J’entends que l’une d’entre elles demande un café au lait. A cette heure là ?!!! Sans doute croit-elle faire couleur locale en commandant une boisson découverte dans un antique manuel d’écolier. Manquerait plus qu’elle demande un sandwich jambon beurre en réclamant des nouvelles de Pompidou !
Mes soins corporels se poursuivent dans les toilettes, à l’odeur bien âcre d’urine perfide qui s’accroche aux murs et prend à la gorge. Je m’y lave néanmoins les bras, le torse et les mains ainsi que le visage et la tête, en me coiffant pour l’une des premières fois de cette randonnée. Que l’eau est fraîche, quand elle veut !
 
Arrivée à Saint Jean Pied de Port où la confrontation avec le trafic routier n’est pas à mon avantage. Ce pittoresque village grouille d’automobiles et de cohortes de touristes marchant au ralenti en des tenues bariolées, uniformes estivaux donnant à les repérer de loin. Certains couples poussent même le ridicule jusqu’à arborer la même tenue, formant ainsi gémellité vestimentaire de bien mauvais goût.
Fatigué de devoir me traîner sur des pieds vacillants, fourbu, écrasé de chaleur, terminer la journée en gîte, passer sous la douche, dormir sur un matelas, toutes ces douceurs panseraient un peu des plaies qui sont les miennes. De fait, sans trop y croire, je tente modestement ma chance dans le premier gîte venu, en bordure de route et dont la façade n’a rien à envier en beauté, finesse et merveilles à mes pauvres pieds. Hé non madame, je n’ai pas réservé ! Complet évidemment puisque Saint Jean Pied de Port se situe à la croisée de deux sentiers de grandes randonnées d’importance : le GR10 qui traverse les Pyrénées et leGR65 qui draine son flots de pèlerins vers Compostelle. La saison estivale n’ajoute rien à la possibilité de trouver asile prometteur.
Les vingt minutes passées dans le « centre village » suffisent largement à satisfaire le besoin de tout un chacun en repos, prise de renseignements, repérage ou contacts divers. Un splendide petit Lidl trône d’ailleurs à l’entrée du village. Sur les recommandations assurées d’un barman, je sors de Saint Jean Pied de Port où il me serait trop fastidieux de trouver à me loger et où ma tente n’a que fort malencontreusement aucune chance de trouver elle à se poser, je sors en direction de Caro. Prononcer Saro !
Je marche, je marche sur la route et à 18h30, il fait toujours aussi chaud et lourd. Mais point de Caro ni même de Saro, plus de balisage non plus. Est-ce bien normal docteur ? Un doute important et fondé laisse à supposer que je me suis planté de direction. De guère lasse, j’avise un champ en contrebas de la route, descends la clôture barbelée et vais monter ma tente à l’abri du soleil et des regards indiscrets aussi. Estomac vide et gourde tout autant, me voilà chez le plus proche voisin, de l’autre côté de la route. Pas de portail, personne d’autre qu’un petit corniaud un peu vieux et fort en gueule pour m’accueillir et renseigner sur la localité exacte. Le tuyau d’arrosage extérieur fera bien l’affaire. Une eau vraiment brûlante d’abord qui permettrait une douche délassante que je n’aurai refusée !!!
 
En des temps de fatigue importante, l’instant du repas se fait secondaire, plus encore le menu, car l’estomac aussi subissant l’épuisement, réclame moins, se contente de peu, vit au ralenti, anesthésié. D’où une déferlante de repas frugaux, sommaires, souvent bâclés plus que bâfrés. Ce soir par exemple l’ordinaire demeure : une soupe gratinée, un demi sachet de purée et un très bon thé vert avec 4 dosettes de sucre.
Sitôt le thé avalé et même savouré, le vent se lève en fine bourrasque et retentissent des coups de tonnerre au loin. Quelques éclairs chétifs tentent de zébrer le ciel mais sans plus de conviction, le tout donnant un poignée de gouttes largement disséminées, rien pour arroser, même pas nettoyer la poussière des rues.
 
Je m’endors sans savoir où je suis ce soir, ni même où je serai demain soir !
C’est un peu ça aussi l’aventure.
93 kilomètres depuis Hendaye. 6h20 de marche effective.

Date de création : 05/03/2008 @ 07:03
Dernière modification : 12/03/2008 @ 18:46
Catégorie : PYRENEES - GR10
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