Texte à méditer :  A quoi bon soulever des montagnes, quand il est si simple de passer par dessus ?   BORIS VIAN
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PYRENEES - GR10 - JOUR 07
Jour 7 – Dimanche 18 juillet 2004
 
C’est dimanche !
Petite, très petite journée de marche, tant par la distance parcourue que dans la durée.
 
La « Marche Turque »  a bien sonné à 6h00, puis 6h10 et 6h20, jusqu’à ce que j’arrête tout bonnement le vacarme à 6h30. Car c’est aujourd’hui dimanche et qu’il faut bien tenter de se reposer un peu. Je décrète donc une grâce matinée dominicale jusqu’à 8h40, approuvée par la majorité des votants. En temps normal, je marcherai déjà depuis près d’une heure. 
Mais Dieu lui-même n’a-t-il pas fait relâche le septième jour ?!!!
 
Sans trop me presser, à la vitesse d’un estivant installé benoîtement au camping des Flots bleus, je file doucettement vers les douches, pardon au ruisseau où je m’offre une belle toilette quasi complète avec en prime, un rasage. Quel luxe et quel bonheur d’être rasé de près, de ne plus ressembler à un homme sorti hirsute des bois, aux yeux des gens de passage, croisés au hasard du chemin de la vie. Je pue certes, mais je suis rasé de près et cette vision glabre et virginale de mon visage vaut tous les gels douche et déodorants, car il est pour moi le témoignage clinquant d’une propreté supposée.
Retour à la tente avec la même hâte sénatoriale qu’à l’aller et j’entreprends de la plier méticuleusement afin d’une part de bien la faire rentrer dans sa housse, mais surtout pour gagner encore du temps sur un départ que j’appréhende toujours par paresse. Une fois que je suis lancé, les choses vont mieux, mais le décollage reste toujours l’instant tragique à surmonter.
La première petite grimpette du jour consiste à gravir à travers bois une bonne colline et à descendre sur l’autre versant, au niveau d’un petit lac artificiel. Le tout en suivant un bon balisage présent, sur un large sentier forestier parsemé de pierres. Juste un échauffement en somme, pour arriver en trente cinq minutes à ce lac en bordure de route où des pêcheurs, comme tous les pêcheurs pêchent.
Sans les déranger ni m’appesantir ici, je traverse la digue de retenue et m’enfonce dans le bois en direction du col Bagargiak (1327 m) et des chalets d’Irati qui en occupent le plateau. Le soleil se laisse mieux apprécier, à l’ombre des grands arbres. Quelques lacets plus soutenus, un long faux plat, un dernier dénivelé et on pose le pied sur le plateau tout à côté de l’un des nombreux chalets locatifs qui constellent avec plus ou moins d’harmonie l’alpage. De petits chalets de bois sombre, aux toits pointus voir aigus, descendant à un mètre du sol. Pièces à vivre en bas avec baie vitrée coulissante, chambre en haut. Cheminée.
L’eau qui doit rester au fond de ma gourde souple ne doit pas représenter grand-chose. Il me faut donc impérativement en trouver ici. Très intéressant matériel que ces gourdes souples transparentes, équipées d’une longue pipette. Cela ne pèse rigoureusement rien. Peut-être autour de cent grammes seulement et grâce à la pipette, on peut boire quelques gorgées à tout moment, sans se poser de questions, sans avoir besoin de poser surtout son sac, ouvrir une poche et remettre le sac sur le dos, d’un geste qui ferait pâlir d’envie un haltérophile adepte de l’épaulé jeté !!! De plus, la gourde souple se logeant parfaitement dans un espace spécifique du sac à dos, elle ne ballotte pas et summum du bien-être estival, sous une canicule carabinée, l’eau reste toujours fraîche.
Un seul bémol cependant, aucune possibilité de savoir où on en est de la consommation, de connaître l’état du « réservoir ». Qui donc inventera un système extérieur de jauge pour ces gourdes souples ?!!! 
 
J’avise un homme et ses deux enfants qui trottinent autour de lui et demande où je peux trouver de l’eau.
Il me conduit aimablement jusqu’aux sanitaires du coin, où des robinets sont aménagés, des toilettes évidemment mais pas de douche hélas, car sinon, j’aurai sauté sur l’occasion pour enfin me laver à fond et passer un quart d’heure à me laisser pénétrer d’eau chaude et de vapeurs, fermant les yeux pour mieux savourer.
C’est un homme charmant et serviable d’une bonne quarantaine d’années, grand et trapu aux larges épaules qui portent une tête ronde assurément bien faite. Cheveux courts et yeux marrons, il dévisage mon bardat avec étonnement tout autant qu’intérêt et me dit que s’il n’y a pas d’eau aux sanitaires, je n’ai qu’à en prendre au chalet qu’il loue avec sa famille, à deux pas de là. La gourde remplit, je suçote quelques gorgées assis par terre face à mon futur et amical auditoire. La discussion s’installe et il s’intéresse à tout : d’où je viens, où je vais, quel équipement je porte, les paysages traversés, la météo, la difficulté de la randonnée et le fait de marcher seul, etc.
Français expatrié depuis une dizaine d’années au Vietnam, il est totalement surpris par mon équipement qui lui semble venir tout droit de Mars. Il a bien été louveteau étant enfant, avant de s’orienter vers le rugby, mais l’équipement a depuis considérablement évolué. Trouve mes bâtons télescopiques très légers, pratiques et mon sac à dos fort bien agencé avec les sangles multiples, l’armature. La pipette l’intriguait jusqu’à découvrir son utilité. Les vêtements en polaire lui étaient inconnus. J’admets volontiers qu’à Hô chi minh, on n’en a que trop peu l’usage ! Serge Mantienne me demande alors si j’ai mangé. Non, évidemment que non. Il me propose de venir manger chez lui un plat de pâtes car « c’est des sucres lents dit-il, c’est bon pour la marche ». Je refuse poliment, ne voulant pas déranger, m’imposer ni même abuser. Mon éducation rigide toujours qui revient à la charge, car j’ai bien un petit creux qui ne cesse de s’agrandir ! Il demande donc à son petit garçon d’aller me chercher une tablette de chocolat. Le gamin me la rapporte en trottinant et se plante devant moi, mains jointes, souriant, gentil. Le père insiste encore gentiment pour que je mange quelque chose, ne voulant pas que je m’en aille le ventre vide. Il retourne à son chalet et m’invite à le suivre, car sa femme spécialement m’a préparé une omelette dans du pain. Surpris par tant d’attention, je ne peux être que gêné plus encore.
J’entre dans leur petit chalet, discute un peu et note ses coordonnées internet pour un envoi de photos ultérieur car je prendrai la famille en photo. Modeste contrepartie à ces gentilles attentions. Dehors, la petite fille à la demande de son père, fait les cent pas autour de mon sac à dos, montant sérieusement la garde contre de bien improbables voleurs. Je remercie vivement pour la tablette de chocolat, l’omelette et les trois sachets de café instantané en provenance directe du Vietnam. Il en est très satisfait, car me dit-il, c’est la première fois que le lait, le sucre et le café sont rassemblés en un seul et même produit déshydraté, commercialisé uniquement au Vietnam.
Cette petite famille mixte et leurs enfants, Julie et David mignons comme tous les petits métis, m’ont témoigné beaucoup d’attention et d’amitié et cela m’avait profondément touché. Tout au long de la balade en Pyrénées je penserai à eux avec reconnaissance et gratitude.
Longtemps après aussi. Merci.  
Au col Bagargiak, à 700 mètres de là, c’est la « capitale », avec des lotissements de petits chalets disséminés sous les arbres, une épicerie et divers commerces. Du brouillard dense aussi à tel point que les feux des voitures semblent mués en une multitude de laquais tourbillonnant, portant à bout de bras candélabres et luminaires. Bref échange avec le couple de la HRP, encouragements multiples et réciproques pour les épreuves mutuelles à venir avant de les voir disparaître à jamais dans la brume opaque qui confère à ce lieu une ambiance morose voir morbide d’un jour froid de Toussaint… 
Mais il n’est nullement question de me laisser abattre et je déguste donc, que dis-je, savoure cette omelette légèrement poivrée, encore chaude, blottie dans son pain frais : un délice, un bonheur, une vraie merveille.
Quelques hectomètres d’une route descendante, passage sommaire en sous-bois et marche à l’aveugle sur les flancs trempés de cette espèce de plateau pris dans le brouillard, où vaches, chevaux et touristes dispersés un peu partout donnent mentalement l’orientation de l’itinéraire grâce aux cris ou conversations qui ne sont pas forcément pour les premiers issus des seules bêtes. Balisage toujours bien présent sur les pierres au sol, quoique un peu trop distant à mon goût. Cinquante minutes de marche tranquille en direction du Pic des Escaliers (1243 m) pour franchir les crêtes ou supposées telles, descendre sur un éperon rocheux et atteindre une route. Est-ce chose courante dans la région que ce brouillard qui se lève dans l’après-midi ? Celui-là apporte une légère bruine rafraîchissante. 12°C.
La randonnée en temps de brouillard par faible visibilité, du plaisir incline rapidement au sacerdoce masochiste pour l’abruti illuminé et solitaire que je suis ! Sans point de repère significatif, j’ai l’impression de tourner en rond, malgré la distance parcourue. Jusqu’à 16h30, je m’oblige à avancer sans but précis, sans trop voir où je marche, sachant simplement que la bruine imprègne l’herbe, qui imprègne dans un cinglant boomerang mes chaussures, qui finissent par couler mon moral ! Assez de cette mascarade piétonnière aux faux airs de contrition expiatoire dans cette campagne monolithique. La seule chose que j’en tirerai, c’est un bon rhume.               
Un chalet privé, fermé (c’est la Toussaint, ne l’oublions pas !), un abreuvoir plein d’une eau stagnante, des chevaux éparses et un algéco gris. Pause debout, à peine le temps d’avaler la tablette de chocolat de la famille Mantienne que je n’aurai pas porté bien loin et avant de repartir pour je ne sais où encore, je monte à l’algéco. Sait-on jamais, il est peut-être ouvert. La bruine augmente et las de marcher sans visibilité avec déjà mal aux pieds, je pose mon sac à l’intérieur où il me semble faire bien chaud avec un impressionnant 16°C. Pas de vent, c’est déjà ça !!!
 
Cet abri de fortune n’est guère reluisant, mais devrait être amplement acceptable pour me protéger agréablement du vent, du froid et de la pluie, bien mieux que ma tente que j’éviterai ainsi de monter.
L’intérieur de cette cabane de chantier, rendez-vous de chasse est dans un état de propreté et de confort plus que contestable. Des plaques surannées de contreplaqués superposés assurent un plancher bringuebalant où gît un amoncellement de sacs poubelles éventrés et malodorant à souhait. Bouteilles en plastique, canette de bière, boites de conserves et gamelle cramée composent le reste de décoration aux airs de squatte. Deux tables poussiéreuses, des palettes et des planches à échardes tiennent lieu de misérable coin de vie. La seconde moitié de la surface est demeurée libre par un incompréhensible miracle, exempte de saloperies et déjections issues de la société de consommation. A peine fardée de terre séchée et d’une bonne couche de crasse endémique.
Juste assez de place pour étendre ma bâche, qu’en cet instant je me satisfais d’avoir emporté ! Trois mètres sur deux de plastique bleu qui illumine presque la morbidité du cabanon. Quelques voix passent au dehors, et disparaissent dans le brouillard. Le portable lui, ne passe pas.
J’installe mon fourbit, espérant faire sécher tant bien que mal ici un tee-shirt, là les paires de chaussettes sales bien sûr, mais détrempées, ce qui est moins drôle.
Le stock de sparadrap est bien entamé. Doit rester un tiers et que des pansements rikiki pour les égratignures de petites filles ! Il ne va plus falloir trop rigoler maintenant. Pas de nouvelle ampoule à déplorer, d’autant que j’essaye désormais de leur donner un coup de ciseau à la racine ! Les ampoules qui me font souffrir depuis Ainhoa commencent à s’atténuer, disparaître. Presque plus rien de douloureux au pied gauche. La peau se refait et durcit comme elle peut. A droite, encore un petit effort ! J’ai encore mal, à la moindre descente, mais garde bon espoir.
Je pense souvent aux randonneurs que j’ai croisé depuis le départ et à ce petit couple doublé sur les hauteurs d’Hendaye et qui voulait rejoindre Saint Etienne de Baigorry ou Saint Jean Pied de Port. Y sont-ils arrivés ?
 
Au menu, ce soir le chef vous propose comme à l’accoutumée le menu «pédibus » spécial anachorète spartiate composé d’une soupe de pêcheurs riche en exhausteurs de goût, un bolino truffé de conservateurs, un double thé vert Jade avec trois sachets de sucre s’il vous plait et quelques cuillerées de muesli, pour garder aux mâchoires un peu d’activité physique et masticatoire. Notre maître sommelier se fera un devoir de vous satisfaire au mieux en vous donnant à savourer une eau plate et bien banale des chalets d’Irati.
 
Au soir du septième jour de marche, il me reste donc dans mon garde-manger portable, en guise de provisions :
- 4 sachets de purée pour 4 personnes (4 x 125 grammes)
- 4 bolino (tous hachis Parmentier, les meilleurs, c'est-à-dire les seuls mangeables).
- 1 soupe gratinée
- 14 sachets de sucre (soit 84 grammes)
- 18 sachets de thé ou infusion, de toutes marques, de tous goûts et modèles.
- 1 fond de muesli
- la bouteille de gaz CV 270 doit être à la moitié.
 
Côté finances, c’est mieux, car je n’ai dépensé depuis le départ d’Hendaye il y a une semaine qu’un seul petit euro, presque insignifiant, symbolique. Pour l’achat de la carte postale témoin à Hendaye (0,50 euro) et pour la baguette de pain vers le col d’Irau, au vieux randonneur de Dax : 0,50 euro aussi.
 
Une pluie fine de crachin breton couvre l’alpage. Quelques chevaux hennissent. La chaleur envoûtante du duvet a sur moi un effet réconfortant, anesthésiant au devant duquel je courre en me couchant peu après 21h00. 
Hé oui, je l’ai dit en préambule : c’était la journée de repos ! 
4 heures de marche effective.

Date de création : 05/03/2008 @ 09:06
Dernière modification : 12/03/2008 @ 18:49
Catégorie : PYRENEES - GR10
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