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PYRENEES - GR10 - JOUR 09
Jour 9 – 20 juillet 2004 Dans les Pyrénées peut-être plus qu’ailleurs encore, il ne faut certainement pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! De fait, je me suis encore trop avancé hier soir en écrivant que les petits coups de tonnerre avaient l’air bien tranquille. Sans doute étaient-ils trop susceptibles pour en rester là. D’abord ce ne fut que quelques gouttes insignifiantes, éparses, marginales qui n’avaient que vocation unique à rafraîchir l’atmosphère de son trop plein d’électricité ambiante. Puis à trois reprises distinctes, séparées par des cessez-le-feu intempestifs redonnant à la nature le silence et la plénitude nocturnes qui jamais n’auraient du la dépareiller, des éclairs et du tonnerre comme s’il en pleuvait, de lourdes rafales de mitraillette sur le double toit, immédiatement avalées par d’autres sans cesse plus nombreuses, plus puissantes, en un déchaînement de furie incommensurablement infini. Du vent de gauche, du vent de droite et des hallebardes de tous côtés, d’une heure à cinq heure trente du matin. Lorsque la colère du ciel semblait vouloir se calmer, s'émousser et mourir en une petite averse d’automne proprette et marginale, elle, espiègle tout autant que perverse, reprenait uniquement son souffle pour mieux revenir fouetter la tente de rafales dont la violence n’atténuait en rien la fréquence. Pelotonné au fond de mon duvet, je n’en menais vraiment pas large, car j’ai irrésistiblement peur des éclairs et du tonnerre, et à plus forte raison en montage. J’annone mentalement une bonne fournée de « Je vous salut Marie », en guise de famélique paratonnerre symbolique. Moins par croyance avérée, que pour occuper mon esprit de randonneur trouillard au plus fort de l’orage. « Est-ce qu’on pourrait éteindre la lumière et fermer le robinet, s’il vous plait, j’aimerai bien dormir, maintenant ! Bien peu et bien mal dormi cette nuit, assurément lointaine réplique de celle, à l’aube de l’humanité, qui vit Noé embarquer précautionneusement son bestiaire pour des jours meilleurs. Arès a supplanté Morphée. Le terrain n’est pas génial non plus, bosselé et faiblement incliné. Un quart du tapis de sol de la tente est humide et s’infiltre par capillarité goulue. Des gouttes sont passées cette nuit, comment aurait-il pu en être autrement ? Je rêve d’un matelas autogonflant pas trop lourd. Meilleur pour le dos et en cas d’inondation dans la tente, ça me surélève toujours un peu… L’orage le plus violent subit dans la traversée des Pyrénées s’en est allé, il faut maintenant se lever, partir marcher, recommencer. O vilain nuage Qui dans ton sillage Apporte dommages Et mauvais présages Reste encore sage Comme une image Délestant l’orage Loin derrière l’alpage. Je te le dis sans ambages, Ma tente est hors d’âge Mon duvet un héritage, Pas canot de sauvetage. Si sur moi ton délestage S’effectue sans partage, Oubliant le voisinage Je serai dans le potage. Trêve de bavardages, Nul besoin de carnage Aux airs du Caravage : Sous l’horizon dégage ! 7h15. Par la porte grande ouverte de la tente, la journée s’annonce des plus rieuses et enjouées avec du brouillard à couper au couteau et son long cortège d’humidité et d’amertume détrempée. Splendide temps d’Ecosse. Hé merde, le berger d’hier, que j’ai pris en photo avec son chien, m’avait pourtant dit que le vent changeait et que ce n’était plus le brouillard à craindre, ni même la pluie ou l’orage. En même temps, il tirait ses infos météo de la télé ! Les choses se perdent, même en montagne car avant les vieux regardaient vivre la nature pour en discerner les agissements futurs. Ils savaient observer la danse compulsive des nuages, analyser l’orientation générale d’un halo de fumée bleuâtre ou interpréter les différentes parures lunaires. Maintenant on se contente d’allumer la télé et de faire siennes des informations parcellaires, souvent ambiguës ou incomplètes. Et le jour où la météo est en grève, sort-on encore de chez soi ? L’opération primordiale du matin, consiste en un geste de survie sanitaire, à m’accroupir nu, devant la porte de la tente et à me nettoyer les adducteurs plutôt mal menés ces jours-ci. Puis direction la salle de bains soit le petit ruisseau qui coule à moins de cinq mètres. J’ai eu peur qu’il ne déborde dans la nuit et inonde ma tente, gorgé du ruissellement cumulé des fougueux torrents d’altitude. C’eut été le comble. Petite lessive qui dans le meilleur des cas ne sera pas sèche avant trois jours, vu l’humidité ambiante ! Toilette minimaliste mais savourée. Départ dans le brouillard, en direction du premier objectif localisable sur la carte : « le parking du topo guide». Descente boueuse dans ce qui semble être un ancien lit de ruisseau asséché, protégé admirablement par une arche de verdure opaque ne laissant que trop peu filtrer le jour. De la route à travers des hameaux déserts puis le parking des gorges de la Kakouéta (478 m), sur la D113. Sans doute les gorges de la « cacahuète » en français ?!!! Un panneau d’information couvert vante les mérites de la vallée, des gorges et de l’église de Sainte Engrâce (630 m) qu’une bonne bande de bitume permet de joindre en cinquante minutes. Jolie église du XIe siècle dont m’avait parlé, souvenez-vous, un randonneur croisé à Bidarray. Petit bâtiment roman aux pierres grises et au cimetière accolé où une vingtaine de ces croix basques parfois frappées du caractère templier, plantée dans un presque gazon anglais perpétue le souvenir des morts à de rares vivants de passage. L’intérieur se veut plus lumineux, murs blancs et colonnes aussi, rehaussées de motifs géométriques rouges au sommet desquelles, gisent perchés, démons ailés, chevaliers galopant et personnages bibliques. Le petit hameau de Sainte Engrâce ne connaît pas les cadences infernales, ni le tourisme de masse et la circulation frénétique, la vie y semble même compter les efforts qu’elle y déploie pour persister là. S’asseoir une poignée de secondes dans l’église permet d’être plus au calme encore, de goûter à l’essence même du silence, au paroxysme du non bruit assourdissant, propice à la méditation, au repos du corps et de l’âme. Entrez, savourez. Le tour de l’église se fait brièvement, et j’en profite pour avaler trois sachets de sucre, car mon estomac réclame. C’est tout de même bizarre ça, tous les autres organes ou membres de mon corps accomplissent leur tâche sans broncher et mon estomac réclame sans cesse à manger, alors qu’il ne porte rien car il n’est pas le dos, il ne marche pas car il n’est pas les pieds, il ne transpire pas car il n’est pas le front, il ne garde pas une détermination de fer car il n’est pas le cerveau, alors pourquoi ?!!! Il n’est que l’estomac. Il ne pense qu’à se goinfrer en restant au chaud, tranquillement en pantoufle, quand les autres participent activement au succès de la randonnée. J’ai trop faim en fait, car depuis deux jours, je me nourris très mal : soupe et purée le soir, comme repas principal de la journée. C’est un peu léger au vu des efforts quotidiens que je dégage… Pas d’épicerie, pas de cabine téléphonique à Sainte Engrâce, mais on m’en promet pour la station d’Arette-la-Pierre-Saint-Martin. A la sortie du village, l’église semble émerger de sa colline noyée de végétation, ultime vision comme une bénédiction. Les broussailles passées, on s’enfonce plus loin dans un coin des plus charmants du GR10 au pays basque. Une gorge un peu encaissée, un canyon ne dépassant pas les dix mètres de haut, peut-être la moitié en largeur, verdoyant à souhait et humide en diable, qui rassemble une luxuriante flore extraordinairement verte, en contraste avec les paysages jaunâtres massacrés de chaleur des jours passés. C’est une véritable nursery à chlorophylle, une écloserie d’oxygène où le vert explose, seule couleur habilitée à égayer cette « petite Amazonie ». Une maternité de verts. De vert pomme, de vert gazon, de vert de gris, de vert kaki, de vert pistache, de vert moussu, de vert joufflu, de vert de boue, debout, partout, autour, toujours. Amour de ce lieu ! Trente minutes de bonheur, peut-être ? S’en suit l’enfer vert, passage de trou de souris entre ronces démesurées, épineux pour fakir, orties et autres piquants, grouillant et rampant, sur un sol boueux. Tout ce que j’aime avec des épines charnues qui s’insinuent sous la peau, agrippent le sac, retiennent les pas. Regrets éternels pour machette absente. Des lacets en sous-bois qui n’en finissent pas de monter et de monter et de monter, pour atteindre cette fameuse fontaine décrite dans le topo guide, avec le visage sculpté du gardien, d’inspiration naïve. Pas d’eau surtout, c’est bien plus problématique alors le regard figé du gardien, ces yeux en amande et sa bouche entre ouverte semblent sarcastiques : « pas d’eau, pas d’eau, pas d’eau !!! » La cabane d’Escuret d’en Bas où je pensais trouver enfin un peu de cette eau indispensable n’est en fait qu’un pan de mur en ruines au début d’un alpage. Pas même de quoi s’abriter par gros temps. Pas d’eau. Le brouillard descend, enveloppe rapidement la prairie et subtilise les marques ou repères de balisage déjà peu fréquents. Le sentier contourne une grosse butte herbeuse où les rares plants de végétation sont systématiquement broyés, grignotés et avalés, ne laissant plus qu’une forêt de courtes racines aériennes dépérir sous les feux redoublés d’un soleil qui n’en demandait pas tant pour « steppifier » les pâturages d’altitude. Les forces me manquent irrémédiablement du fait de mon alimentation digne d’un camp de réfugiés éthiopiens. La cabane « du Coup » tarde à venir. Je puise de l’eau à un abreuvoir alimenté pour une fois en eau courante, me frayant un chemin entre les vaches, dépositaires du lieu. Plus bas, d’autres de leurs copines lèchent les dernières misérables flaques pas encore évaporées avec une langue râpeuses qui explore savamment chaque recoin des abreuvoirs asséchés avec ce même bruit sourd et peu allant qu’avait mon grand-père quand il engloutissait sa soupe : Slurp, slurp, slurp ! Fatigue oblige, je m’octroie plus par nécessité que par envie, une pause à la cabane du Coup (1522 m), où, au milieu des chevaux en liberté, des moutons en vrais artistes paysagers sont accaparés à entretenir le gazon vert et court, et au milieu des vaches qui galopent à toute berzingue sur les pentes d’en face, je sors mon gaz et termine le sachet de purée de la veille. Cet encas bien maigrichon me redonne un peu de forces pour gagner enfin, le col de la Pierre Saint Martin (1760 m). Un panorama intéressant, mais surtout le poids du pied photographique à justifier sur mon sac à dos, me font faire un pano à l’approche du col. A gauche, c’est la France et à droite, l’Espagne sans plus de manière car les moutons à tête noire vont et viennent au gré de leur appétit. Encore un peu de goudron, puis à travers champs, on monte sur une ultime butte herbeuse parcellée de remontées mécaniques et découvre dans le creux d’un vallon la petite station de Arette-la-Pierre- Saint-Martin (1640 m). Je demande l’épicerie, on m’indique la galerie marchande. Mais j’ai du mal à ouvrir la double porte battante qui en donne accès. Je tire, je tire et rien ne se produit. Un sympathique touriste vient à ma rescousse car il s’agit tout bêtement de portes COU-LI-SSANTES !!! « C’est la fatigue me dit-il, on ne fait plus attention ». Et il a bien raison. L’épicerie est bien modeste à vrai dire, mais c’est amplement suffisant pour moi qui suit affamé. L’épicier, pas spécialement affable et qui donne la détestable impression d’être toujours de mauvaise humeur, regarde l’arrivée du Tour de France, aujourd’hui chez moi ou presque, à Villard de Lans. Des aliments de base remplissent mon virtuel cadis : quatre-quarts, chocolat, soupes, saucisson, céréales, quatre flans à la vanille, des pains au chocolat, des lions et mars, etc. Assis dans le hall, tout à côté de l’espèce d’office du tourisme de la station, j’entasse mes précieuses victuailles sur un banc et commence à faire bombance devant quelques passants. D’abord les quatre petits flans à la vanille, un à un, doucement, comme pour savourer cette entrée sucrée que je gobe plus que je mâche. Deux heures de repos mises à profit pour me sustenter royalement et recharger diverses batteries aux nombreuses prises électriques du hall. Très belles toilettes spacieuses et propres. Vraiment charmant ce hall, pour le randonneur solitaire que je suis, car tout à proximité : épicerie, cabines téléphoniques, toilettes, poubelles, prises électriques. Le spectacle est même assuré par une vue plongeante sur le terrain de squash. Satisfecit du jury et note maximale ! De l’autre côté du banc, un petit garçon est assis avec sa grand-mère. Il doit avoir sept ou huit ans et écarquille de grands yeux ronds brillants d’intelligence et de curiosité et me voyant manger comme un mort de faim, à côté de mon bardas étalé. J’explique tenter de traverser les Pyrénées au départ d’Hendaye et que je marche depuis neufs jours déjà. Le gamin sourit sous sa coupe au bol et la grand-mère de lui expliquer : - Le monsieur est venu à pied à travers la montagne de vers la maison de papa, à Biarritz. Les soucoupes marron me dévisagent tel un extraterrestre. - Vous avez pas de voiture ? demande t-il timidement ? - Je préfère marcher tu sais, c’est plus joli d’être en montagne, de voir les paysages, les animaux. Et au moment de partir, le gamin demande avec inquiétude à son aïeule : - Il va dormir où le monsieur ce soir ? regardant la montagne infinie qui m’attendait. - Dans la nature, sous ma tente ! - Tu n’aimerais pas faire ça quand tu seras plus grand, demande la grand-mère ? - Non, j’aurai trop peur des bêtes, avoue le garçonnet tout en secouant la tête, faisant voler ses mèches. Je te souhaite malgré tout, le moment venu, un jour peut-être d’avoir l’opportunité, la volonté ou seulement le désir de passer quelques jours en montagne, dans la nature. Car quiconque prend le temps de s’y intéresser, de la comprendre, de l’observer et de l’aimer en est grandi dans son cœur, récompensé au-delà du possible. La nature, contrairement à l’homme, n’est jamais mauvaise. A 19h30, je quitte la station, encouragé par cette petite main d’enfant qui s’agite en saluant et grimpe au soleil couchant et fort agréable encore, en direction du sommet des remontées mécaniques. Chevaux en liberté sur la piste. Le plateau du Pescanou, à vingt minutes de là est le lieu de bivouac idéal car une belle étendue d’herbe verte, grasse et plane m’offre l’opportunité de dresser la tente sans aucune difficulté. Les sardines ne rentrent pas dans la terre, elles y sont presque aspirées !!! Un bonheur. J’étends vite ma lessive du matin, pour tenter d’accélérer benoîtement son séchage ! Depuis Hendaye jusqu’à la station d’Arette-la-Pierre-Saint-Martin, j’ai parcouru 159 kilomètres. Sur 759 au total que compte la traversée des Pyrénées (hors GR et hors piste involontaire). Plus que 600 kilomètres ! 20,94 % effectués en 9 jours, dont 6h15 de marche effective aujourd’hui. Date de création : 05/03/2008 @ 11:12 Réactions à cet article
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