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PYRENEES - GR10 - JOUR 10
Jour 10 – Mercredi 21 juillet 2004
 
Nuit splendide, douce et réparatrice sur l’épais gazon du plateau. Je dors heureux et me réveille de même.
L’estomac repu, la journée qui n’offre encore que 12°C s’annonce favorable.
A l’instant du départ, il me semble me tromper d’itinéraire, car le balisage pointe en direction d’un amoncellement de rochers, de cailloux formant
un magnifique lapiaz digne du Vercors, derrière Sornin, vers le gouffre Berger. Aucun chemin, sentier ou passage ne pourrait raisonnablement se
faufiler ici.
Doutant du balisage, je fais demi-tour, emprunte le large sentier gazonné et vais me renseigner à la bergerie située un peu plus haut. Les deux bergers, père et fils (au vu d’une ressemblance assez frappante), sont déjà affairés à traire les brebis, une à une, à la main. Les bêtes se prêtent à l’exercice dans un silence quasi religieux, rituel d’offrande laitière consenti chaque matin sous les premiers rayons d’un soleil montagnard, communion tacite avec des hommes protecteurs et attentionnés que le randonneur profane que je suis vient rompre, perturber un temps.
Béret basque, pantalon de velours et gros pull en laine, le père me dit :
« Alors, on est déjà perdu, hé ben vous irez pas bien loin alors !... »
Très drôle, vraiment.
Sans me départir de la bonne humeur qui m’envahit depuis le réveil, j’écoute les explications gestuelles et tous deux m’indiquent que le sentier passe dans cet imbroglio de rochers.
Et en y regardant de plus près, c’est vrai ! Mais il faut bien ouvrir les yeux et faire attention au marquage, qu’il soit de modeste peinture ou plus encore de cairns. Car au milieu des rochers, cailloux et tas de pierres, rien ne ressemble plus à un tas de pierres, qu’un autre tas de pierres…

Durant les premières centaines de mètres, il n’y a pas de sentier à proprement parler, on se fraye son chemin, en marchant simplement de cairns en cairns, ne voyant généralement le balisage que lorsque le pied se pose dessus. On sillonne, tourne et monte dans une direction générale plein Est sur un étroit sentier, jusqu’à atteindre et traverser un large couloir de ski. Une descente s’amorce, toujours sur l’Arres de Camplong (1767 m), ce grand plateau calcaire fissuré, sans doute repère familier de Sisyphe, ou qu’il n’aurait du moins pu dénier ! Des cairns de loin en loin, du balisage en descente douce, puis plus rien de significatif.
S’arrêter, revenir en arrière, retrouver la dernière trace, imaginer mentalement la meilleure piste, la dessiner au milieu de fissures et de mini crevasses. S’arrêter, réfléchir, observer. Bien observer, ne pas foncer tête baissée dans l’inflexion qui semble la plus probable, celle où l’on voudrait inconsciemment aller, car plus aisée, moins fatigante, sinon, on descend le vallon, se retrouve en sous-bois, dans l’alpage, à mille lieux de l’itinéraire, perdu, pausé comme une bouse en plein champ, incapable de plus se localiser.
S’arrêter, observer selon la technique de la spirale : ouvrir un champ visuel circulaire de plus en plus large autour de soi, jusqu’à trouver un indice significatif, un repère, un signe propitiatoire.
Là, le voilà !
Un cairn de cinquante centimètres de haut, gris comme toutes les pierres qui l’entourent et dont il a du mal à se détacher, mais il est là, cent cinquante mètres au dessus de moi, pelotonné sur un rocher plat. Le jeu de piste se poursuit, chercher les autres monticules humanisés. Un relais de quatre cairns nous positionne enfin au départ d’un maigre sillon dégagé de pierres qui prend rapidement confiance et incidence, s’élargit, se couvre de gravier comme traité par rouleau compresseur en décrivant quelques lacets en direction des falaises toutes proches. Il serpente au pied des parois verticales puis vient butter contre elles : terminus de la voie pédestre traditionnelle. Les derniers mètres de l’ascension du Pas de l’Osque (1922 m) sont sans réel danger, mais nécessitent l’emploi des mains, car un peu d’escalade s’impose sur une dizaine de mètres. Si vous comptiez faire un bout de Pyrénées en compagnie d’un âne, il faut renoncer à emprunter le Pas de l’Osque !
Deux heures depuis les hauteurs de la station d’Arette. 
Sur l’autre versant du Pas de l’Osque, le paysage diamétralement opposé se fait moins calcaire, minéral avec des teintes verdoyantes et chaleureuses grâce au soleil retrouvé et aux alpages vallonnés. On remonte ainsi jusqu’au Pas d’Azuns (1873 m) où l’horizon porte loin, dominé par le pic d’Anie (2504 m) avec surtout en point de mire, une proéminence dont la silhouette majestueuse laisse peu de place au doute, surnageant au dessus de crêtes et montagnes en enfilade. Une cascade de sommets à dominante bleue bouche l’horizon et au dessus pointe un pic en « M », allégorie minérale des mots magnifique et merveilleux.

Le pic du Midi d’Ossau (2884 m) nous gratifie de sa présence magique. C’est pour bientôt, patience.
La cabane du Cap de la Baitch (1689 m) est la bienvenue, puisque premier point d’eau depuis Arette. La fontaine cristalline revigore et rafraîchi son randonneur, juste à côté de cette belle cabane où de gras cochons noirs et rustiques, en liberté somnolent de tout leur long sous le soleil d’été. En de rares moments, leurs oreilles frémissent pour chasser quelques mouches ou témoigner d’un doux rêve en cours ?!!! Des chiens dociles, des poules vaquent ici et là, sans trop d’empressement. Assurément les animaux le plus à redouter sont les ânes curieux et familiers qui viennent farfouiller dans les sacs à la recherche d’une douceur de pain ou de caresse.
Quelques randonneurs « du dimanche » montés jusqu’ici dans le but évident de jouir du panorama hors du commun avec vue en contre-plongée sur le Pic d’Anie égayent un peu le parcours.
Descente en une heure à travers praires et sous-bois, sur le refuge de Labérouat (1442 m), vaste structure aux airs de colonie de vacances abandonnée ou désaffectée. Comme si les grands bâtiments en bon état encore avaient été vidés de toute clientèle par une mystérieuse malédiction, digne des villes fantômes du Far-West. Dommage car le paysage est agréable et les randonneurs présents. Je m’octroie là, à l’ombre, une première vraie pause casse-croûte, assis sur les marches d’un chalet crépis. Quarante-cinq minutes de douceur exquise à déguster un demi emmenthal, blotti au frais, alors qu’autour, la canicule gagne, empiète peu à peu grignotant le sol, l’espace, la vie.
 
On s’approche des heures les plus chaudes, les plus critiques pour la marche à découvert.
Il me faut donc hâter le pas et descendre encore pour gagner le village de Lescun (900 m), sur un sentier bien balisé, d’une heure, en terrain peu arboré sans point d’eau et trouvant son issue dans les champs cultivés au dessus du village.
Pause obligatoire à la première fontaine du village, aux antiques maisons de pierre admirablement restaurées. Devant la mairie, l’eau coule à volonté sans restriction comme ailleurs. Mon petit coin tranquille dans ce charmant village de montagne se situe devant le bureau de poste. Des espèces de bancs en béton formant angle droit sont adossés aux murs frais et à l’ombre. Les cabines téléphoniques sont juste au dessus.
L’employé de la poste est un homme charmant, calme, posé et très aimable. Son bureau ressemble à une maison de poupée surannée où la superficie limitée oblige à des prouesses d’organisation, car rares sont les centimètres carrés inoccupés. Il tamponne gentiment ma carte postale témoin, me supposant faire le chemin de Compostelle. De plus, il accepte gentiment de recharger une des batteries de mon appareil photo.
Dans l’intervalle, des deux heures de pose syndicale dues aux grosses chaleurs, je termine de grignoter d’une moitié de quatre quarts, l’autre ayant fait les frais du petit déj. Il n’est encore que 16h30 est pourtant le bureau va fermer. Un peu tôt tout de même, non ? Je récupère ma batterie requinquée et achète une recharge pour mon téléphone portable car il est toujours plus aisé ainsi de téléphoner depuis une crête face au soleil couchant, que de courir de vallée en vallée, à la recherche d’une cabine. En cas de problème aussi, cela demeure sécurisant. Hormis quelques exceptions localisées, la traversée des Pyrénées s’effectue avec une remarquable couverture téléphonique, et du réseau plusieurs fois par jour. De rares « trous noirs » de deux à trois jours sans, mais jamais plus. La grande majorité des cabines téléphoniques sont à carte. Trois, archaïques tout autant que reculées demeuraient à pièce !
 
Je m’en vais doucement pour le plateau de Lhers (997 m), sur un sentier qui apparaît très vite comme long, pas immédiatement direct et tenant plus, une fois encore de l’étape de ralliement, car le parcours sillonne en un large « W » à travers les coteaux et champs cultivés, s’éloignant puis revenant vers Lescun, alors qu’une voie plus directe aurait semblé favorable. Le randonneur estival appréciera néanmoins avec reconnaissance la partie peu difficile, en sous-bois à l’épais tapis de feuilles mortes, agréable à fouler et où les pieds souhaiteraient marcher nus, fouler à même l’humus bienfaiteur. Il fait toujours une chaleur à crever et j’enroule le chèche autour de ma tête, à la Rambo. Ce n’est pas beau, mais efficace contre la transpiration qui tente sournoisement de ruisseler dans les yeux, y apportant de malingres piqûres insupportables et à l’acidité saumâtre.
Nouvelle pause au lieu-dit « Moulia Jean baptiste » où à 18h30, le soleil se pavane toujours haut dans le ciel et irradie encore avec un tonitruant 30°C déconcertant. Je transpire abondamment, mes vêtements collent, mes vêtements puent, tant imprégnés de sueur poisseuse que parfois leur contact me devient difficile à supporter. Tout en moi dégouline, le front, les aisselles, le dos, le ventre, les jambes. Pas une moindre parcelle de frais, de propre, de neutre. A peine ai-je apposé un mouchoir sur le visage trempé que déjà d’autres larmes de sueur perlent, telle un gigantesque goutte-à-goutte suintant patiemment de mes pores avachis. Il me semble bouillir dans mon propre jus en une sensation écoeurante de souillure inaltérable.
De Lhers, le sentier grimpe à travers les coteaux, au milieu d’herbes hautes et sèches. Malgré l’heure supposée avancée du jour, la température s’obstine à ne pas vouloir diminuer. Pas de brise non plus, juste un chaudron dont il faut gravir les parois. Direction le col de Barrancq, transpirant et harassé que je suis par une bande de taons.
Les saloperies sont une quinzaine à virevolter conjointement autour de moi avec le bruit caractéristique des quadri moteurs de la Seconde Guerre mondiale. Les lourds bombardiers chargés jusqu’à la gueule se posent pour piquer, frapper. Ils tentent de s’insinuer partout : Dans les oreilles, sous le tee-shirt, sous le bermuda et tentent même une infiltration dans les chaussettes. Je supporte ces assauts pendant un bon quart d’heure, tant bien que mal, tout en marchant et les chassant d’une main plutôt molle. Et n’y pouvant plus, la douleur des piqûres ajoutée à la transpiration accrue et à la chaleur continue accentuant l’énervement,  je m’arrête à l’ombre et tends une belle embuscade à ces salauds. Ils se posent en confiance pour piquer, toujours piquer. Des deux mains, je frappe à tout va, écrasant du pied les rescapés tombés au sol, sonnés. J’en écrase certains sur ma peau, en les déchiquetant littéralement. La tête collée au tee-shirt et l’abdomen roulant compulsivement sous mes doigts. Ce spectacle me fait plaisir et me détend un peu car ils m’ont bien piqué les salauds. Si seulement il pouvait émaner des corps disloqués de ces insectes agressifs et inutiles des phéromones à l’adresse des autres disant : « N’y allez pas les gars, j’en suis mort », un peu comme une pierre tombale olfactive, cela aurait pour mérite de restreindre l’ardeur des suivants. Sales bêtes. Je repose donc ma question, puisque personne n’y a répondu : « A quoi servent les taons ? ».
La montée vers le col se poursuit, sur une large piste forestière carrossable, au grand damne de mon adducteur droit qui est brûlant. De nouveau un sentier en sous-bois, aux lacets bien plus resserrés et des taons en moins grande compagnie. N’en voyant pas non plus la fin, je pousse sur un ton excité une petite gueulante, sous l’effet cumulé de la chaleur, de la transpiration collante et des attaques incessantes des taons : « Putain, il est où ce putain de col ?!!! ». Et trois minis lacets plus loin j’y étais ! Miracle, non ?!!!
Rien d’extraordinaire à ce col de Barrancq (1601 m – 1h50), rien d’autre qu’une intersection banale de sentiers en sous-bois, sans aucune vue, luminosité, ou quelconque intérêt.
Au-delà, la vue se dégage à l’orée du bois pour enfin donner juste récompense des efforts et piqûres subis. Une dizaine de minutes de descente en alpage faiblement pentu et verdoyant permet de se réconcilier avec la montagne et les Pyrénées que, dans les lacets précédents on vilipendait encore à pleins poumons ! Tout ici n’est que verdure, fraîcheur et tranquillité, puisque à proximité de la cabane d’Udapet d’en Haut (1515 m), un grand espace plat offre le meilleur coin de bivouac de la région, avec vue directe et privative sur le Pic du Midi d’Ossau, maintenant à portée de main. Il ne faut rien espérer tirer de la cabane qui n’est qu’un tas de ruines au raz du sol, couverte d’un pan de toit incliné, envahi d’orties. Par contre, le glouglou du gentil ruisseau qui coule à deux pas n’est pas un effet de votre imagination ! Dormir près d’un ruisseau, sur un exquis tapis de gazon, terrain plat et facile à monter, voilà juste récompense pour dure journée.
20h10, fin de la rando.   
 
Je me mets torse nu, ôtant enfin le tee-shirt détrempé et poisseux d’une tiède chaleur puante, et demeure accroupi pour déballer le sac de tente. A quatre pattes afin de ménager un peu de mes forces et me reposer aussi, je déploie les mats de la tente, un à un, lentement, usant d’un cérémonial laissant peu de place à l’extravagance ou à l’inattendu. Pour accroître ma respiration et calmer les émois de mon cœur fatigué, j’ouvre bien grande ma bouche et l’irréparable se commet. Une sale petite mouche, un peu trop curieuse va explorer mon palais jusqu’à être engluée au fond de ma gorge. J’ai beau racler et cracher, toussoter, rien n’y fait, la bestiole ne bouge pas d’un iota et il me semble même la sentir irrémédiablement bloquée au tréfonds de mon larynx. Encore un essai. La tente reste à monter encore, je suis harassé et voudrais me laver avant la nuit donc cette mésaventure respiratoire tombe bien mal à propos. Dernière tentative de crachat. Personne dans ma flopée de salive emportée par le vent. De guerre lasse, j’avale une grosse gorgée d’eau et envois de facto la bestiole se ranger d’elle-même dans le casier « protéines animales » de mon estomac…
En mangeant quelques chose par-dessus, je vous assure que ça passe très bien !
La tente montée, je m’approche enfin du petit ruisseau et de son glouglou rassurant à l’eau régénératrice, où je me mets entièrement nu pour me laver. Le soleil vient de se coucher derrière le col de Barrancq. L’eau n’est plus très chaude, mais dégage un tel bien-être et soulagement pour les adducteurs, meurtris, à vif presque. Instant de bonheur rare, de sérénité totale, digne de l’aube de l’Humanité où je suis nu à me laver, sous les derniers rayons du jour, dans une nature calme et préservée.
 
Repas face au Pic du Midi d’Ossau (soupe de bolets, une boite de 400 Gr de ravioli, et un Mars en dessert). Suivi, en digestif d’un peu de Biafine pour tout le monde, à savoir les adducteurs égratignés. Ce pétrissage lent de pommade adoucissante a au moins un effet bénéfique sur la tension nerveuse qui bien vite s’estompe face au confort corporel retrouvé, si spartiate soit-il.
 
Temps couvert dans la soirée. Pleuvra pas, hein ? Une bonne nuit de sommeil réparatrice et demain on rattaque pour le Pic du Midi d’Ossau…
8h17 de marche effective

Date de création : 05/03/2008 @ 17:29
Dernière modification : 12/03/2008 @ 18:55
Catégorie : PYRENEES - GR10
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