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PYRENEES - GR10 - JOUR 11
Jour 11 – Jeudi 22 juillet 2004 Le soleil perce les crêtes en direction du Pic du Midi d’Ossau et restitue des dents de scie ramollies d’où émerge saillant le symbole du Béarn, doigt tendu vers le ciel sous forme d’invite. Un phare en plein jour qui irrésistiblement attire à lui les randonneurs charmés. C’est presque à regret que je quitte ce petit plateau herbeux, appréciable asile de repos où la nuit fut douce et la température appréciable avec 20°C sous la tente au réveil. Le sentier descendant d’abord à découvert à la cabane d’Udapet de Bas (1401 m), visiblement occupée par un berger puis on entre en sous-bois ou des vaches éparses se répartissent sous les arbres pour sans doute tailler une bavette. Quelques petits ruisseaux ou filets d’eau humidifient le sentier jusqu’à le rendre par endroit boueux. A la sortie du bois, revenant plein Est, de larges zigzags sur une croupe noyée sous les fougères permettent une rapide déclivité et l’on commence à apercevoir le fond de la vallée. Le chemin est là admirablement bien entretenu, une large saignée au rotofile perce les fougères envahissantes et rend la marche plus aisée, en plein cagnard déjà. Une heure et demie suffit pour rallier le joli petit village de Borce (650 m) à la riche architecture de type médiéval remontant pour certaines au XVe siècle, comme la mairie située dans une antique tour fortifiée restaurée avec goût. Un parcours pittoresque permet la découverte des différents anciens bâtiments, réhabilités avec patience et beaucoup de cachet. Au moment de quitter le village, j’aborde une grand-mère et demande des renseignements sur la suite du parcours, à savoir le passage du chemin de la Mâture, sentier taillé par l’homme dans le roc pour permettre l’acheminement de troncs nécessaires à la construction navale sous Colbert. Les arbres abattus atteignaient ensuite Bayonne, par flottaison, puis étaient disséminés vers les arsenaux. Nous sommes en 1772. - Vous voulez faire le chemin de la Mâture ? me répond cette femme avec beaucoup de compassion dans la gorge. C’est bien trop dur voyons ! Si vous passez par là, et par là… son doigt dessine des arabesques sur la montagne d’en face, en pleine forêt, montant, descendant et tournant sans fin, vous arriverez au col d’Arras et éviterez comme çà le chemin de la Mâture. Voyant ma dénégation polie mais ferme, elle ajoute en guise d’au revoir sur ce ton caractéristique qu’ont les matrones possessives juives lorsqu’elles se lamentent en gesticulant, bien mieux qu’on ne le ferait au théâtre de boulevard : - Hé bé je vous plains, mon pauvre, mon pauvre, ce sera pas facile, oh la la, le chemin de la Mâture !… Du dernier parc de stationnement, la route puis le sentier monte progressivement en direction du fort du Portalet que l’on domine rapidement. Ici fut incarcéré à la Libération le Maréchal Pétain, en attente de son procès. Lorsque la randonnée est rattrapée par l’Histoire ! On domine le fort, mais entre les deux, un abîme. Le sentier forme un coude, la falaise se rapproche on la touche et débute le cheminement dans ce corridor calcaire sans autre alternative que d’avancer, coincé que l’on est entre la falaise à gauche et le précipice de 150 mètres à droite. Néanmoins le chemin de la Mâture n’est guère trop dangereux, car on peut aisément s’y croiser et surtout parce que l’à-pic vertigineux n’est que peu souvent palpable, de la végétation venant fort à propos masquer le fond du ravin où on entend pourtant gargouiller le frêle Sescoue. Pas de main courante, ni de rambarde. Le sol est constellé de pierres et de cailloux d’une blancheur extrême, semblables à des galets, arrondis, polis par les lentes et mécaniques actions du temps, les semelles des randonneurs se succédant en ce lieu réputé impressionnant de cette partie du GR10. Le chemin de la Mâture ne cesse de monter, sur une pente fort appréciable, mais le plus dur n’est pas là. Encore faut il supporter, subir les assauts de la chaleur, du soleil et de la réverbération associés qui terminent de sceller la pénibilité du passage. De place en place, des grimpeurs adeptes de sensation forte s’équipent à côté de panneaux d’interdiction formelle d’escalade. Il me semble passer une bonne demi heure dans le chemin de la Mâture qui est, avec la corniche des Alhas, le passage le plus délicat de la traversée des Pyrénées. Une demi heure qui a semblé une éternité tant je suis en proie au vertige en pareille circonstance. Mais le passage mérite d’être tenté, tellement le panorama est trépidant ! La sortie enfin du goulet et le retour en sous-bois sur un sentier qui s’éloigne définitivement de la falaise et permet d’atteindre en un petit quart d’heure la grange Perry qui préfigure le paradis ! Deux belles maisons de pierre entourées de verdure et au milieu, une fontaine fraîche et puissante offre une pause salvatrice à l’ombre des bâtisses. Un couple de sympathiques béarnais s’est installé pour pique-niquer. Lui pourrait être la représentation idéale, l’image d’Epinal fidèle du berger pyrénéen, avec son bâton, le béret basque dont il ne se dépare jamais et une moustache superbe à faire pâlir d’envie le premier turc venu ! Un teint halé met en valeur ses yeux marron pétillants de malice et de sagesse. Sa compagne se protège sous un chapeau à larges bords, les épaules rougies de soleil. J’ai grand plaisir à discuter de la balade avec ces gens au doux accent. Hélas il ne sont jamais venus dans les Alpes et de fait leur vante les mérites du Vercors et de la Chartreuse, de l’Oisans aussi. S’inquiétant de savoir si j’avais mangé, mes interlocuteurs charmants, attentionnés même, me proposent volontiers des morceaux de fromage qu’ils ont acheté à Borce. Fromage de brebis et mélangé. Une bonne poignée d’abricots secs aussi. Merci de tout cœur. Arrivent trois ou quatre randonneurs du dimanche à la tenue bariolée limite citadine. Salutations d’usage et présentation habituelle : traversée des Pyrénées, Hendaye, patati patata… Le mâle dominant de ce petit troupeau apparemment sorti de son cadre naturel urbanisé, me demande bravache, combien de temps je marche par jour. Sept heures. Sans doute ne me croit-il pas ou se veut-il drôle en affirmant : - Là, ce n’est plus du plaisir, c’est du masochisme. Et de rire bruyamment. - Cela reste évidemment du plaisir, car personne ne me force, j’avance à mon rythme dans des paysages sans cesse changeants et variés. Un vrai plaisir, même si parfois c’est un peu plus dur. - On m’a dit que le GR20 en Corse était bien plus dur que ça… Et ça y est, on me ressert encore de ce GR20 ! La traversée de la Corse, toute difficile et délicate qu’elle soit, ne dure guère plus de quinze jours. Pour traverser les Pyrénées il faut compter autour de quarante-cinq jours également difficiles et contraignants, soit trois fois plus tout de même. Alors laquelle des deux s’avère véritablement la plus éprouvante pour le randonneur ? « On m’a dit que, on m’a dit que… ». En pareille circonstance, me vient mentalement à l’esprit la parade irréfutable à ce ouï-dire porté en triomphe sur l’autel de la science infuse : « on » est un con ! Et d’abord qu’en sait-il ce pedzouille en jeans qui avoue lui-même piteusement n’avoir jamais marché plus de deux jours consécutifs ? On m’a dit que… Je continue le long cheminement en forêt agréablement ombragée et essentiellement plat jusqu’à atteindre un ruisseau à partir duquel, le sentier se fait plutôt raide durant quelques minutes, avant de reprendre un caractère de faux plat, menant à deux maisons isolées : bordes de Rouglan et de Passette. Un peu plus loin, un ruisseau coupe le sentier. Un ruisseau ! Un de ceux qu’il aurait été profitable voir salvateur de trouver plus avant, au Pays Basque durant la première semaine de marche. L’eau maintenant est revenue, présente, gracieuse, gazouillante d’entrain, vecteur de joie. Peu avant de passer à la cabane de la Baigt de Saint-Cours (1560 m) on entre pour quelques temps dans le Parc National des Pyrénées. Là, le paysage se fait plus alpin, moins saillant, avec une vallée s’élargissant de vastes alpages successifs où paissent des troupeaux de vaches aux sonnailles si discordantes que cela en est infernal. Assurément bien plus encore que la chaleur implacable, cette harmonique désaccordée et sauvage finit par faire mal au crâne, plus encore que le soleil qui tambourine sur le crâne pourtant couvert. J’ai tellement mal aux oreilles, assourdi par ce bruit de casseroles renvoyé et amplifié par les montagnes, qu’il m’a bien semblé que mes oreilles allaient en tomber ! Au cours d’une petite pause, j’englouti les abricots secs de ces braves gens. Des forces, il me faut des forces pour les dernières centaines de mètres de dénivelé ! Au loin, se dessinent les parois verticales fermant le vallon et le col encore lointain. La balade est agréable et le parcours plaisant, enfin de la montagne comme j’aime, c'est-à-dire qui monte bien mais avec des paysages derrière, autour et du panorama partout. Ciel bleu, splendide, magnifique où de rares nuages osent à peine s’aventurer, de peur de déranger la plénitude de ce jour divertissant. Arrivée à la Hourquette de Larry (2055 m) que j’avais supposé depuis plus de deux heures de marche être le col permettant de basculer sur le Pic du Midi d’Ossau. Erreur fatale ! Il ne s’agit que d’un col « secondaire » sans trop d’intérêts panoramique, mais pourtant le seul passage évident depuis le fond de la vallée. Quelques minutes de marche sur la croupe herbeuse et on débouche sur un large replat formant le col d’Ayous (2185 m) qui est le couronnement de la journée, bien plus encore que n’avait été le passage de la Mâture. Face à nous, enfin, digne, triomphal, imposant surtout se dresse le Pic tant convoité pointant vers le ciel ses parois verticales, assurant ainsi sa suprématie aux montagnes environnantes ses compagnes en pamoison. Exceptionnelle vue plongeante sur les lacs et le Pic du Midi d’Ossau en fond, devant moi enfin. Des chevaux broutent non loin de là blasés, sans doute par le cadre merveilleux qui est offert. Mais comment peut-on être blasé ici même !!! La masse imposante de l’Ossau oblige à s’incliner devant le maître des lieux qui du haut de son trône divin nous fait l’exceptionnelle grâce de bientôt se parer des couleurs du soir. Je descends doucement vers le premier lac et m’arrêtant sur une terrasse qui le surplombe pour faire une photo, je découvre un gîte et tout une série de tentes, toutes de formes et de couleurs différentes qui parsèment les abords du lac. Déception car je pensais être seul ce soir en ce lieu fantastique et reculé et faire de belles photos… Ce sera pour une autre fois ! Je monte ma tente à proximité d’autres et cela a tout l’air d’un terrain de camping bon enfant, mais camping tout de même. Tant pis. Près de moi, une tente m’a tapé dans l’œil, de la même couleur et de la même marque de la mienne, plus petite seulement. Je discute avec le propriétaire de la « Mountain Marathon ». Ce jeune alsacien fait le GR10 depuis Hendaye mais en six petits jours, alors que j’en suis à mon onzième. Je suis bluffé… mais pas envieux. Son sac à dos ne pèse certes que 15 kilos, mais il ne dispose que d’un équipement sommaire : sans bâtons, gourde souple, appareil photos ou pied, ni duvet confortable. Nous discutons beaucoup de la balade, de nos expériences respectives et de ce qui nous attend les jours suivants. Il ajoute de l’eau à mon moulin et confirme que l’épicier de la station d’Arette est aussi peu aimable qu’une porte de prison. J’avais tellement peur d’avoir mal jugé le bonhomme, sur le coup ! Lui veut traverser les Pyrénées en allant jusqu’à Cauterets, prendre un car, faire l’impasse sur l’Ariège et terminer en moins d’une semaine les Pyrénées orientales et atteindre Banyuls. Cette conception de la randonnée diffère en bien des points de la mienne ! Mais cependant il confirme ce que déjà je pressentais : l’Ariège est bel et bien le département le plus difficile des cinq pyrénéens… Cette petite conversation d’une demi heure, avec un vrai randonneur pétri de valeurs et d’amour de la montagne m’a fait un bien fou, car il est extrêmement rare de rencontrer des personnes qui comme moi ont l’intention de traverser seul un massif entier, par la seule force de leur volonté et obstination. Des ânes en liberté autour du lac, slaloment doucement entre les tentes à la recherche d’un brin d’herbe, d’un peu de pain dur ou de rares caresses. Cet après-midi, j’ai croisé trois familles qui descendaient, leurs enfants joyeux portés par des ânes. Voilà bien là un excellent moyen de randonner en famille lorsque les enfants se fatiguent vite et de leur donner goût à la montagne et au grand air, mine de rien. Retour dans mon petit chez moi où le jour finissant m’offre un dîner aux chandelles (enfin disons à la lampe frontale !) devant le Pic du Midi d’Ossau endossant ses habits du soir, pailletés d’éclats rouges, roses et orangés du plus bel effet. L’éternel menu « pédibus » se fait plus copieux en hommage à notre hôte exceptionnel : une soupe de bolets, une demi purée bien compacte, de l’emmenthal, un double thé citron et quelques biscuits fourrés au chocolat. Une vitamine effervescente en digestif qui me permet de porter un toast à la journée du lendemain, qu’elle soit belle et profitable, ensoleillée et bénéfique. La soirée se veut douce, à 1947 mètres d’altitude. Les coups de soleil y sont sans doute pour beaucoup ! 7h30 de marche effective Date de création : 05/03/2008 @ 19:19 Réactions à cet article
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