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PYRENEES - GR10 - JOUR 12
Jour 12 – Vendredi 23 juillet 2004 En ouvrant la porte de la tente à 7h00 ce matin, au bord du lac Gentiau (le lac supérieur des lacs d’Ayous), je constate un peu éberlué que le type de la petite tente North Face est déjà parti. Surprise et admiration mêlés, car je suis pour l’instant encore bien incapable de me lever aux aurores. Aucun de mes membres ou articulation n’en émettant le souhait percutant, je ne vois donc pas d’obligation impérieuse à aborder le sujet avec mes valeureux collèges qui m’ont élu à la tête du groupe. Cette possibilité matinale fera sans doute l’objet d’une présentation lors de la prochaine assemblée générale hebdomadaire ! Et en tant que commandant en chef de ce bazar de muscles, de nerfs et d’os, j’opposerai un ferme et catégorique veto : Non, pas de lever à 5h00 pour marcher dès 5h30 ou 6h00. De l’admiration à l’imitation, il y a un pas. Et des pas, j’en fais tant et tant durant le jour que la nuit tous les chats sont gris, la nuit le corps a besoin de répit ! Nouvelle nuit à dormir nu dans le duvet, malgré le vent du matin. A 5h00 se dévoile la face massive, imposante lugubre et envoûtante surtout du Pic du Midi d’Ossau, sur fond de ciel d’encre mais constellé d’une infinité d’étoiles. Splendide. Sans trop me presser non plus, comme à mon habitude, je range doucement mes affaires et plis la tente avec application, tous les prétextes étant acceptés pour retarder l’instant fatidique du départ qui obligera les pieds à demeurer enfermés douze heures durant, en proie aux tensions, contorsions, compressions et autres afflictions de la pérégrination. Pour la première fois depuis bien longtemps, je ne ressens plus aucune douleur aux pieds, talons et chevilles lorsque j’enfile les chaussures : bénédiction ! Cela fait maintenant quatre bons jours que je n’ai plus de pansements aux pieds. Ils s’en ressentent mieux, en séchant sur les parties ampoulées et en durcissant aussi : guérison ! Félicitations mes arpions ! Ciel voilé, un peu brumeux. Il faut une heure pour descendre doucement dans la « prairie » de Bious, tandis que des cohortes de randonneurs amateurs montent en sens inverse. Le sentier se décline en paliers successifs marquant station à chacun des deux lacs subalternes : le lac du Miey (1914 m) et le lac Roumassot, jusqu’à la cabane homonyme. L’itinéraire balisé ne présente aucune difficulté à la descente, parmi les pâturages et atteint la forêt où il serpente, plus raide entre les racines aériennes de sapins offrant un juste ombrage. Je franchis un petit pont, sur la prairie de Bious (1538 m) et abandonne pour un temps le GR10, désireux de m’offrir un petit extra avec le tour du Pic du Midi d’Ossau. Cette petite escapade me fera certes perdre six heures précieuses, mais au-delà de comptes d’apothicaire, il demeurera une belle balade réalisée juste pour le plaisir et non point pour avancer coûte que coûte, atteindre un but lointain, une fontaine salutaire ou un col avant la nuit. Le tour du Pic se veut être une « balade dominicale » sans autre but que celui de la découverte et du bonheur engendré. Un kilomètre de plat aux frontières du Parc national des Pyrénées et la grimpette s’amorce sur le versant opposé, le calme avant la tempête. Quelques raidillons sans excès et agréables en forêt permettent ensuite d’attaquer la croupe de la montagne de front, en un passage sans danger mais bien vertical dans les graviers et pierriers roulant sous les pieds. Ce goulot d’étranglement au dénivelé bien abrupt s’avère être un vrai cauchemar pour la gorge, tant le vent s’y fait violent et glacial. Le chèche plaqué sur la gorge et la poitrine me protège du mieux possible et pourtant, il me semble que je vais attraper mal. Rarement vent fut aussi violent qu’ici. A la sortie de cette centrifugeuse à blizzard, loin là-haut, quelques larges lacets permettent de gagner une vaste pâture vallonnée, gardée en contrebas par la cabane de Peyreget. Le vert a remplacé la pierre et le temps couvert, parfois brumeux rend l’ascension supportable avec une température de 14°C. Un dernier petit mamelon cache le vaste replat du lac de Peyreget (2074 m) où le pic semble vouloir plonger de sa verticalité écrasante, huit cent mètres plus haut. Excellent emplacement de bivouac, si le cœur vous en dit. Pause probatoire au bord du lac tandis que je glane des infos sur les itinéraires possibles. Deux en l’occurrence. Le premier est le plus court, passant au plus près du géant, entre le Pic du Midi d’Ossau et le pic Peyreget en une monstrueuse avalanche d’éboulis, de pierres et de rochers jetés là comme une macédoine minérale. Le second, un peu plus long, contourne largement le pic Peyreget par le Sud et semble bien plus aisé, si j’en crois les hochements de têtes favorables et les sourires radieux des randonneurs interrogés ! Plouf plouf, ce-se-ra-toi-que-je-choi-si-rai : la voie entre les deux pics pleine d’éboulis ! D’accord, j’ai un peu triché ! Mais je ne vois pas raisonnablement comment je pourrai prétendre faire le tour de l’Ossau en m’en voyant séparé par un pic annexe, éclipsant de sa masse secondaire l’imposante présence magnétique. L’ascension vers le col sans nom se passe dans un enchevêtrement indescriptible de blocs de rochers, d’éboulis et de pierres imposantes. C’est à croire que les millions de tonnes de gravats monumentaux qui encombrent le vallon formaient un bloc unique, immense partie intégrante des deux pics, unifiant le tout en un proéminent pic massif et colossal. Il se serait effondré, ouvrant certes une voie de passage, mais avant de l’atteindre, quel capharnaüm faut-il traverser ! Des cairns sont bien sensés aider au repérage du meilleur itinéraire, mais ils semblent surtout jetés là, au grès du hasard, disséminés partout et nulle part à la fois. Et c’est sans compter avec les pierres issues d’avalanches diverses qui elles aussi se constituent en groupes étagés pouvant porter à confusion. Comptez quarante minutes de patience et d’effort depuis le lac pour se faufiler lentement sur les différents gradins de pierre, d’autant que là plus qu’ailleurs, le plus court chemin n’est pas raisonnablement le meilleur !
La fin de l’ascension est gazonnée mais pas pour autant moins contraignante, tant le dénivelé l’emporte sur la volonté d’arriver. Au col, ça repart de plus belle avec un vent puissant. Des randonneurs me montrent quatre isards qui jouent sur un névé en contrebas. Vision fugace de la nature à l’état pur, encore sauvage et préservée de la folie des hommes. Pas le temps de m’arrêter tant le vent souffle, glacial. Le pic du Midi d’Ossau est certes seigneur des lieux, mais le vent turbulent se fait son fidèle valet. Sur l’autre versant, la descente jusqu’à un étang artificiel se veut moins contraignante grâce à un sentier partiellement gazonné, toujours délimité. L’altitude décroît rapidement et des alpages en terrasse permettent de surplomber bientôt le lac de Pombie au bord duquel se blottit le refuge de pierres grises. Une marmotte grassouillette traverse le sentier peu devant moi, nonchalamment, sans me prêter plus d’attention ni trop se presser, presque blasée. Le Tour du Pic du Midi d’Ossau est très agréable à faire dans cette première moitié, jusqu’au refuge Pombie (2032 m), point de départ des randonneurs des cimes adeptes de l’alpinisme. D’autres, sans doute déjà bien contents d’être arrivés là se baignent dans le lac ou se font dorer sur ses berges gazonnées. Tout autour, l’horizon est barré de montagnes et de pics d’altitude similaires, saupoudrés des quelques derniers arpents de neiges éternelles. Il n’y a plus ni soleil, ni bleu du ciel, englouti dans le blanc prédominant. Ici aussi la vue qu’offre le Pic est saisissante et l’on sent bien l’infinie démesure qui nous sépare, lui et moi. Comme une puce perdue dans le gazon contemplerait le pommeau de l’épée plantée devant elle, avec distance et référence, consciente qu’un rien suffirait à l’écraser. Le sentier jusqu’au col Suzon (2127 m – 0h35) comporte trois aspects différents. D’abord un peu de pelouse verte et très vite, de nouveau des avalanches de rochers et d’éboulis à franchir sur un axe partiellement dégagé. Enfin, un sentier de terre pentu à flanc de colline fort agréable. Cinq minutes de pause à ce col bosselé, me permettent de discuter grossièrement avec un personnage singulier. - Vous n’étiez pas au dessus de Logibar il y a quelques jours ? - Si, mais comment le savez-vous ? - Peu de randonneurs portent un jeans bleu et un tee-shirt vert ! - Vous m’avez déjà croisé ??? Le type se repérait en effet de loin, avec son jeans couleur bleu de travail et son tee-shirt vert sapin, couleurs peu complémentaires ni seyantes s’il en est. Son attitude m’avait de plus intrigué avec un appareil photo professionnel et bien peu d’équipement de randonnée. Le temps se couvre, devenant orageux dans le lointain. La descente dans les pâturages immédiatement sous le col Suzon est une véritable merveille, grâce à un sol moelleux sous les pas, doux aux genoux, parfaitement exempt de pierres et d’intrus. Le gazon défile, il me semble avoir des ailes, car je me fais réellement plaisir dans cette première longue descente en direction de lac de Bious-Artigues. Je me laisse aller à trottiner doucement, bonheur total. La partie moins agréable se passe en forêt, depuis le col Long de Magnabaigt où la déclivité connaît des sommets. La lumière s’accrue, les arbres se dissipent et on atteint le parking du lac de Bious-Artigues (1417 m) où il n’y a rigoureusement rien à voir ! Un parking engorgé de véhicules, un lac de barrage à mi hauteur d’eau et une buvette misérable à proximité d’une source d’eau potable. Désavouant tout cela, je prête les yeux de Chimène à un panneau du GR10 au complet, comme j’avais eu le plaisir d’en voir un sur la Rhune, allant d’Hendaye à Banyuls. Je peux là aussi constater que mon avancée dans les Pyrénées stylisées même si elle n’est pas fulgurante, n’en est pas moins évidente. Ca fait toujours plaisir, surtout lorsque le dénivelé s’invite dans la partie ! Descente sur le hameau de Gabas (1027 m) par la route goudronnée, au milieu d’un trafic abondant de camping-cars. Presque une heure d’une monotonie insipide à l’opposé du bonheur ressenti à cheminer autour du Pic du Midi d’Ossau, mille mètres plus haut. Rien d’extraordinaire ni de transcendent à Gabas. Des maisons posées au bord de la route, rien de plus. Une cabine téléphonique à la sortie du village rehausse immédiatement l’intérêt stratégique du lieu ! Passage à la centrale électrique d’Artouste et cheminement en sous-bois pendant une bonne heure, afin de m’approcher au plus près de la fameuse corniche des Alhas. Le topo guide la décrit comme passage délicat, étroit et vertigineux, alors je souhaite dormir à proximité de façon à l’emprunter tôt demain matin, sans risque d’y faire de mauvaise rencontre. En quelques minutes depuis la centrale électrique, on quitte l’espèce d’étroit canyon routier oppressant pour s’enfoncer dans le bois touffu percé d’une piste forestière et se laisser pénétrer du calme reconquis. Après la foule des grands jours rencontrée, croisée et parfois subie autour du Pic, il m’est bienfaisant ce chemin en sous-bois, pour décompresser et me retrouver avec moi-même. 19h30, le brouillard enveloppe doucement la cime des arbres tandis que je monte péniblement la tente à l’écart de la piste, sur un terrain de retournement pour tracteur de bûcheron, beaucoup trop sec et trop dur pour la « gente sardinesque » qui ploie sous l’effort, tombant en Bérézina. Les sardines que j’ai toutes les peines du monde à enfoncer dans le sol se tordent comme de vulgaires spaghettis al dente. Je passe un gant de cuir pour préserver la paume de ma main droite et je ressemble ainsi aux blacks panthers !!! Fatigué par cette longue marche au dénivelé conséquent et voyant mes sardines se plier inexorablement, j’hurle dans la forêt ma hargne en ce jour finissant. Plus un bruit ne perle des arbres ou des fourrés. Certes cela n’aide nullement mes plantations à filer droit, mais ça me soulage quand même. Comme si ce n’était pas suffisant de s’épuiser toute la journée durant à marcher et marcher encore, il faut le soir venu également lutter et donner le peu de force qu’il me reste pour planter seize malheureux bouts de ferraille dans du béton armé ! Je m’aide d’une pierre ce qui a pour effet d’accélérer la torsion de mes piquets… La tente montée à la sagouin, je projette au loin la pierre, fou de rage, le front dégoulinant. 19h50 seulement, je suis enfin allongé, nu, c'est-à-dire sans tee-shirt trempé ni chaussettes gorgées de transpiration. Mon caleçon se risque tant bien que mal de sécher jusqu’à demain matin, tendu dans l’embrasure de la porte. Plus rien sur le dos, plus rien aux pieds, étendu, c’est le début du bonheur chaque soir perpétué ! Petit tripatouillage des pieds pour enlever de peaux mortes. Indispensable contrôle technique quotidien. Je goûte enfin mon repas, sous le regard attentif et assoiffé des moustiques désabusés qui sont du mauvais côté de la tente ! Aujourd’hui bonne nouvelle, aucun taon subit, supporté ni rencontré ! A Gabas ce soir, hormis le Tour du Pic du Midi d’Ossau, j’ai parcouru 200 kilomètres depuis Hendaye. 8h50 de marche effective Date de création : 06/03/2008 @ 05:02 Réactions à cet article
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