Texte à méditer :  La mer la plus profonde a un fond, la montagne la plus haute a une cime.   CHINOIS
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PYRENEES - GR10 - JOUR 16
Jour 16 – Mardi 27 juillet 2004
Le retour du fils prodigue !
 
La journée s’achèvera comme elle a commencé… Ne l’ai-je pas déjà écrit un jour précédent ?!!!
 
Dès 7h15, la tente est pliée et j’arpente les ruelles quasi désertes de Cauterets.
12°C dehors, contre 20°C sous la tente. J’ai usé d’une extrême célérité ce matin pour plier bagage, car ça ne me met guère en joie de dormir en pleine ville, offrant ainsi un angle de vulnérabilité important à quelques personnes mal intentionnées. Hier soir, en pleine nuit, une pierre partie de nulle part est venue ricocher violemment sur la tente, si fort qu’un instant j’ai pensé à une déchirure fatale. D’où venait cette pierre, qui l’a lancée ? Pourquoi ?
Rien ne vaut pour moi de dormir en pleine montagne ou en forêt. Des animaux viennent bien aussi roder autour de la tente, mais paradoxalement sans animosité. Ce soir, tout faire pour retrouver le couvert sécurisant d’un sous-bois ou d’un alpage.
Petite pause décrassage aux sanitaires publics situés sous la gare du téléphérique et direction le centre-ville sous une chape de brouillard digne des plus grands centres métallurgiques de l’ancien bloc de l’Est. L’embrun de montage semble flotter mélancoliquement au dessus de la ville plus par habitude qu’envie. 
Les gens d’ici me sidèrent car nous sommes à 913 mètres d’altitude, sous un brouillard dense où il ne fait que douze malheureux degrés avec une légère brise déterminée et la plupart sont en chemisette ou en simple tee-shirt, sous ce temps de Toussaint !
L’office du tourisme où j’espère obtenir de rassurantes informations concernant internet et consort n’ouvre qu’à partir de 9h00. Encore une heure et demie à perdre, à arpenter les ruelles presque désertes de la bourgade qui se réveille et s’anime peu à peu sous une délicieuse et entêtante fragrance de viennoiserie chaude.
Je vais longuement m’asseoir devant l’église et son joli monument aux morts fort bien fleuri. Normal, en ce temps de novembre, c’est bientôt le 11 !
Il en est des Christ comme des monuments aux morts dans chaque village, pas un de pareil ! Le poilu d’ici, besace en bandoulière, d’un geste vif courageusement invite à le suivre. Même litanie de noms, différents et pourtant semblables dans le malheur. 
L’office du tourisme est ouvert et j’y apprécie la douce chaleur du lieu. Seuls deux établissements devraient ici me permettre d’avoir accès à internet : une pizzeria « chez Gino » ou je ne sais quoi, qui n’ouvre qu’à partir de midi évidemment et où je ne suis pas certain de trouver à graver mes photos et la médiathèque, fort joliment située près du casino, qui elle hors période scolaire n’ouvre que de 15h00 à 17h00 et encore, pas tous les jours, et surtout pas aujourd’hui. M’ouais, pas la joie tout ça. Je tente ma chance auprès du photographe qui lui peut graver un CD de photos… mais pour demain seulement !    
10 heures. Il est déjà tard. 
Enervé par tout ce temps perdu en aller et venues inutiles, en espoirs déçus, consterné par les horaires peu élastiques de l’administration, je me dirige à la superette du coin, au « 8 à huit ». Il n’y a pas de bouteille de gaz !
Chez « Petit Casino » alors ? Ils n’ont que des cartouches pour bleuet 206, un modèle antédiluvien pour le camping et pas adapté au mien. J’achète juste sept tablettes de chocolat premier prix dont deux l’une sur l’autre, filent directement dans mon estomac en guise d’anxiolytique savoureux.  
A l’établissement thermal, point de départ du GR en direction du col de Riou, je demande à un jardinier de bien vouloir remplir ma gourde. Dans le petit parc arboré derrière les thermes le sentier serpente en une espèce de chemin de croix harmonieux. Près de 3h30 perdues en parfaite inutilité à Cauterets, tu parles d’un calvaire ! Pas de cybercafé, pas de cartouches de gaz : le Moyen Age.
 
Direction le col de Riou, par une route carrossable qui fait place à une piste forestière puis à un sentier en sous-bois, le tout montant progressivement, sans trop d’à-coup ni de difficulté et toujours bien balisé. A la sortie du bois, on retrouve le soleil et le ciel bleu dans des pâturages d’herbe haute et fleurie servant d’écrin au col, tout proche. Tout là-haut certes, mais tout proche. Reste plus qu’une petite série d’amples lacets faciles à gravir dans les pentes herbeuses pour atteindre le col de Riou (1946 m), en deux bonnes heures au départ de Cauterets.
Petite « baladounette » facile, familiale, sans difficulté et très bien balisée. Agréable comme il en faudrait tant d’autres sur le GR10 !
Fatigué tout de même par la montée au col assez rapide, je m’adosse à mon sac sur la dodue pelouse sommitale et m’octroie sans le vouloir une agréable sieste de près d’une heure en plein soleil face à Luz Saint Sauveur, si loin, si bas dans ce rêve douillet et réparateur. C’est si bon. Surtout après la nuit que j’ai passée à Cauterets, à ne dormir que d’un œil, peu rassuré.
Le panorama du col de Riou serait agréable et naturellement alpin, vert, chatoyant et reposant si l’activité humaine n’était venue y poser le pied à grands coups de haches et de serpes, scindant les alpages, ouvrant des pistes, plantant les remontées mécaniques de la station de Luz Ardiden et ne laissant désormais proliférer que les pierres, les graviers et de mornes pâtures pelées. Que sont pathétiques et déplorables ces navrants télésièges suspendus dans l’oubli du vent. Plus bas, jusqu’à rejoindre la route, le sentier donne à découvrir le spectacle blafard d’immondices de graviers, d’immenses parkings de béton et d’escaliers métalliques hors de contexte.  
Une fontaine d’eau fraîche miraculeusement préservée, coule non loin des pylônes.
 

Descente au pas de charge sur les villages successifs en suivant le GR et son balisage, passant en revue le joli et paisible hameau de Grust, étagé autour de sa ruelle principale de belle amplitude, Sazos où deux chiens un peu fous montrent les crocs en aboyant agressivement à mon approche et me suivent à peu de distance durant quelques longues minutes où je me vois obligé de gueuler plus fort qu’eux pour m’en débarrasser, à grand renfort de coups de bâtons sur le sol et de moulinets aériens. Sales bêtes que ces chiens en liberté. 
A Sassis, en sueur, je m’informe auprès du responsable du camping de l’existence supposée d’internet à Luz Saint Sauveur. Cet homme charmant et accueillant, d’aspect robuste est un fier gaillard doté d’une voie douce en affabilité, merveilleuse de mélodies et d’intonations régionales. Sceptique, il effectue cependant des recherches dans l’annuaire, tout en parlant de la traversée des Pyrénées, s’informant du parcours, des difficultés. A celle là et à sa concrétisation possible, je songerai à Bagnères de Luchon. Mais pour l’heure ma seule préoccupation est d’avoir un accès privilégié à internet ou simplement à un ordinateur. A une maison peu distante, semblant une association de baba écolos, je m’enquière du sujet du jour : la connexion est prévue pour janvier 2005…  
16h30, Luz Saint Sauveur, enfin. Point de chute ou de ralliement incontournable en agglomération : l’office du tourisme où un réceptionniste anglais (comme à Cauterets) m’oriente gentiment vers la maison de la vallée. 
Je serpente dans les ruelles du village et découvre la belle bâtisse exposant les trésors du patrimoine floral et animalier de la région. Ensemble architectural restauré avec beaucoup de goût, alliant avec harmonie pierre, bois et métal, rassemblant des expos diverses, une salle de projection, une bibliothèque et, et… une salle multimédia ! A l’étage, je demande à la sympathique responsable si je peux consulter internet.
OUI.
Si je peux transférer mes photos sur PC.
OUI.
Si je peux graver mes photos ?!!
NON.
Non, car aucun graveur n’équipe cette pourtant belle salle multimédia dotée d’une dizaine d’ordinateurs où la connexion est libre et gratuite grâce à l’action du conseil général. L’adsl est arrivé depuis la mi juillet seulement, mais elle ne désespère pas d’avoir un graveur pour l’année prochaine avoue t-elle, des étincelles d’envie au fond des yeux. Moi qui me suis dépêché de descendre du col de Riou pour vite trouver à graver mes photos, me voilà bien dépité.
Retour sur la place principale où il y a un photographe. Dernière tentative. On peut ici me transférer ces photos, mais le fils qui s’occupe de çà ne sera pas de retour avant 19h30. Parfait alors, et je m’en retourne le cœur léger consulter mon courrier électronique à la maison de la vallée. La fin d’après-midi et les recherches désespérées m’obligent à de nombreux aller et venues. Le temps passe, le soleil décline et les boutiques de la place ferment les unes après les autres et toujours pas de fils à l’horizon. Je discute ainsi près d’une heure avec la patronne, de la traversée des Pyrénées d’abord, de la montagne ensuite, de Grenoble, de tout et de rien, et de plus rien à la longue tellement le temps s’allonge démesurément virant à l’ennui et à la lassitude d’attendre et d’attendre encore. Embarrassée aussi du retard impromptu de son fils, elle me parle de sa vie, du laboratoire de photos qu’elle a su vendre à temps avant l’avènement du numérique, de la montagne qu’elle aime et de son fils qui fait des reportages sur les parapentes en ce moment du côté de Barèges et plus généralement des photos d’enfants en station l’hiver et sur la plage en été. M’ouais. Elle aussi commence à trouver le temps long. A tel point qu’elle finit poliment par me mettre dehors et fermer boutique !
-          Je suis désolée dit-elle, mais j’ai envie de rentrer chez moi maintenant, on est ouvert près de douze heures par jour, alors...
-          Je comprends, bien sûr !
-          Mon fils ne devrait plus tarder maintenant, mais je m’en veux de vous faire attendre aussi longtemps, si j’avais su. Quand il part on ne sait jamais quand il rentre, avec le vent, les parapentes, vous comprenez…
J’acquiesce évidemment impuissant tout autant qu’impatient de voir arriver enfin le fils prodigue, tandis que la mère s’inquiète visiblement de plus en plus du retard de son fils, imaginant sans doute le pire. Est-ce que la mienne s’inquiète de moi, à plus de mille kilomètres de là ? Pas si sûr !
-          Pour vous aider à patienter (il ne va plus tarder maintenant), je peux vous offrir un café ou quelque chose au bar d’en face. Ils me connaissent, allez-y de ma part, si vous voulez.
-          Non, non, merci ça va aller.  
Connerie d’éducation stricte qui me prend systématiquement à la gorge en pareille circonstance. Ca va aller. Et elle aussi s’en va, me laissant comme un pauvre et malheureux hère faire les cent pas devant la boutique restée seule illuminée. La nuit est venue et le fils non plus. Vingt et une heures sonnent au clocher, les rues se vident, plongées dans l’obscurité, je demeure seul à ne plus savoir ce que j’attends. Que faire ? Partir et valider définitivement ces longues heures d’attente comme perdues ? Et pour aller où ? La première ville d’importance est maintenant Bagnères de Luchon, à quatre ou cinq jours de marche. Avant ça, c’est le grand vide intersidéral avec simplement de gros villages à traverser et point de salut numérique à espérer. Attendre est encore la moins pire solution.
21h30 passé et le miracle se produit enfin, confortant l’adage voulant que tout vienne à point à qui sait attendre.
Il est là enfin devant moi le fils prodige, s’excusant du retard et me croyant parti depuis longtemps, vu l’heure tardive. Blond aux yeux bleus, musculeux plus que massif, il dégage une tranquille assurance en ouvrant son ordinateur portable, puis transfère mes photos. Je tourne toujours comme un lion en cage, mais avec une respiration plus détendue. Les photos défilent, 1057 en tout. Benoît comme sa mère me pose des questions sur la traversée et vu l’heure tardive, s’inquiète de l’endroit où je vais passer la nuit. Demain il retourne à Barèges et me propose même à mots couverts de m’y emmener en voiture, prétextant que ce n’est qu’à une demi heure d’ici. Pourquoi ne pas sauter sur l’occasion, ça me reposera un peu et personne n’en saura rien, souligne t-il en souriant gentiment. Je refuse sa proposition avec beaucoup moins de gène que celle de sa mère, insistant sur le fait important et primordial à mes yeux de traverser les Pyrénées à pieds, avec les miens et pas ceux des autres.
22h00, je quitte enfin la boutique avec les encouragements et les excuses renouvelées de Benoît, traçant dans le village en direction de la chapelle de Solférino, frontale vissée sur la tête. Sitôt un petit pont franchit dans l’obscurité la plus totale, à peine le village dépassé, j’installe la tente car je me suppose être sous les arbres. A tâtons, je comprends que le sol est herbeux, coupé de frais. Le ruisseau grondant me sépare du village et m’en fait remparts, annihilant ses bruits, lumières et odeurs. Je n’entends plus que lui, réconfortant, apaisant.  
Evidemment, comme en pareille circonstance, cas de force majeure devrai-je dire, la tente s’avère plus que laborieuse à planter, sans trop voir, sans trop savoir ce que l’on fait. Et en réaction logique, elle est montée à la sagouin, la moitié des sardines étant plantées, enfoncées à moitié de profondeur normale. La tente baille, les fils sont distendus et je m’en fous un peu. A cette heure là, plus qu’une chose compte : m’allonger enfin et dormir, me reposer.
 
La journée s’achève comme elle a commencé, en cherchant à faire graver un CD Rom de photos et en perdant beaucoup trop de temps hélas. Nous disons donc 3h30 gâchées ce matin à Cauterets et 4h30 ce soir à Luz Saint Sauveur, soit huit belles heures de fichues en l’air, une journée de bonne rando partie en fumée. Je suis un peu aigri ce soir car je n’ai effectivement marché que durant 5h15, pour en définitive être contraint à un large repos forcé. Mais le CD Rom est gravé maintenant, le principal est bien là. Faudrait pas que je m’assois dessus maintenant au risque de le casser !
Demain encore, une belle matinée de course contre la montre, pour aller à la poste de Barèges, expédier mon trésor de paysages enchanteurs et verdoyants, résumé visuel et quotidien de ces deux premières semaines de marche dans les Pyrénées.
Ensuite basta, du temps pour moi, pour prendre plaisir à randonner, juste ça.
 

Date de création : 07/03/2008 @ 07:23
Dernière modification : 07/03/2008 @ 07:27
Catégorie : PYRENEES - GR10
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