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PYRENEES - GR10 - JOUR 18
Jour 18 – Jeudi 29 juillet 2004 La nuit, quoique passée sur le dernier replat herbeux avant le col de Madamète avec un douillet matelas végétal, fut fraîche et copieusement arrosée d’une pluie persistante, près de quatre heures durant. Eclairs et tonnerre bien sûr, mais moins violents que le soir du huitième jour (19 juillet), peu avant Sainte Engrâce, où cela avait été un incroyable déchaînement des éléments, une déferlante ininterrompue de vacarme lumineux à moins qu’il ne ce fut agit d’illuminations jaillies des entrailles des ténèbres et dont le Diable lui-même battait la mesure saccadée avec savante frénésie machiavélique. Orage moins violent mais néanmoins présent qui m’incite à ânonner chétivement quelques « je vous salue Marie », en guise de frêle et dérisoire paratonnerre. La luminosité est telle à travers la toile diaphane que je songe même un instant à mettre mes lunettes de soleil, pour atténuer l’intensité de certains éclairs que je sais tout proches et dont certains illuminent à la verticale de ma tente. Comme si les coups de tonnerres puissants, nombreux et rapprochés rythmaient en une rengaine de plusieurs heures le refrain d’horreur de « Psychose ». En tout cas, c’était bien moi, apeuré sous la douche !!! Quand j’étais petit garçon, en pareille circonstance, ma grand-mère disait que « le bon Dieu jouait aux boules ». Ouais, vu ce que j’étends, le cochonnet doit ce soir avoir la taille d’un pâté de maisons… Lorsque l’orage survient en montagne, mieux vaut être le plus bas possible afin de diminuer les risques. Hier soir, je n’ai rien vu venir et me suis paisiblement endormi à près de 2500 mètres d’altitude… Résumons : trois orages en dix-huit jours de randonnée, soit un orage tous les six jours. Acceptable, à l’approche du mois d’août et du cortège de dégradations inhérentes à ce mois transitoire. Le temps demeure humide, le ciel couvert de lourds nuages sombres qui s’éloignent lentement de ce champ de bataille nocturne où ils se sont affrontés en de virulents assauts. Souhaitons qu’ils aillent décharger leurs foudres dans d’autres vallées… lointaines, car j’ai droit à six jours de beau temps dorénavant, c’est mathématique ! Où serais-je dans six jours ? Je ne me presse pas à partir ce matin, car la température extérieure comme dirait le commandant de bord, n’est que de 7°C contre 10°C sous la tente et peu incitative à de matinales gesticulations enjouées. Qui a dit que je suis frileux ?!!! Succinctes ablutions à l’étang et je bois une gorgée d’eau, étonnamment chaude par contraste. Une petite bébête rouge vient affectueusement me saluer en pataugeant gaiement au fond de ma bouteille. Si, si, je vois bien qu’elle est contente de me voir, car elle remue avec vivacité ses petites pattes et antennes ! J’opère une pause sécuritaire entre chaque mini gorgée, afin de bien vérifier qu’elle est toujours dans la bouteille et pas passée dans mon estomac. En tout état de cause, je ne peux que faire confiance à l’efficacité de mon suc gastrique pour éradiquer tout intrus. C’est mon seul recours ! Ma gourde restera vide ce matin, car beaucoup trop de monde microscopique nage dans ce petit lac, à mon goût, et même à mon dégoût ! Montée au col de Madamète (2509 m) tout proche dans les derniers éboulis, tandis que la station spatiale du pic du Midi resplendit au jour nouveau. Une bonne brise semble défendre l’accès au col, car il faut la protection des gants pour admirer avec plénitude le panorama qui s’ouvre sur l’autre versant dans la réserve naturelle de Néouvielle. Ici, d’autres parois montagneuses, d’autres pics et sommets visiblement plus hauts qu’alentours puisque de la neige y persiste au sommet, de même qu’une armada de nuages peu engageants. J’ai droit à six jours de beau, je le répète ! Mais à contrario, je me rassure de cet adage simpliste : « Tant qu’il ne pleut pas, c’est qu’il fait beau ». L’emplacement même du col est matérialisé avec un excès très vite redondant : un poteau de bois portant l’inscription nominale. Un autre à peu de distance martelant silencieusement les interdits légitimes de la réserve. De nombreuses pierres et rochers frappés du sceau bicolore du GR ou du logo vert étoilé à six branches de la réserve. De petits cairns satellites et surtout LE cairn, massif et régulier d’un bon mètre cinquante de haut pour une circonférence de huit, suffisamment vaste pour qu’on puisse imaginer qu’il recèle la modeste sépulture d’un antique homme préhistorique parti à la chasse aux bouquetins et englouti par le froid d’un rude hiver précoce… Même dans le plus capitonné brouillard d’inspiration écossaise, nulle possibilité de louper le col de Madamète. Une marmotte grassouillette et peu en proie au stress dodeline sur son rocher. La descente du col s’effectue sur un sentier bien marqué au milieu des pierres et autres écheveaux de rochers empiriques, en des terrasses successives accueillant lacs ou étangs parcellaires endormis auprès des bois de résineux et de landes. Que ces paysages doivent refléter splendeur et émerveillement sous un vibrant soleil d’été. Malgré la météo versatile, la majesté du lieu prédomine à un point tel que l’éclat terni de la réserve de Néouvielle demeure cependant intact, tant l’endroit chargé d’émotions et de plénitude sait conserver un caractère exceptionnel de nature préservée et d’isolement bénéfique. Je déplore les caprices du ciel car plus bas, le lac d’Aumar est réputé comme « un des plus harmonieux des Pyrénées ». Sous la lumière blafarde, il n’est que « joli ». De place en place, des pêcheurs taquinent silencieusement les flots abscons aux tristes reflets. Quelques groupes de randonneurs ici et là. Personne visiblement accro au GR10, comme moi. De la bifurcation avec la route jusqu’au col d’Estoudou, le graphique du topo guide indique nonchalamment un faux plat montant, régulier. Or si le petit graphiteux préposé à la tâche d’importance s’était un temps soit peu penché sur une carte IGN, il aurait vu que le sentier se poursuivait sur des pelouses herbeuses. S’il s’était penché de plus près encore il aurait vu les chevaux en liberté brouter autour de marigots puis le sentier s’incline et descend au fond d’un vallon boisé où il croise un torrent. Cette eau là est plus acceptable à boire que la source mentionnée dans les « saintes écritures », souillée par le piétinement des équidés. Les chevaux ne sont pas les seuls à apprécier les marigots semblent-ils, car un groupe de randonneurs anglais bien lents s’amuse dans une flaque boueuse et toute la petite équipe rie aux éclats. Sans doute sont-ce là des admirateurs maniaques et frénétiques de Petula Clark ou de Jane Birkin qui leur rendent hommage dans la gadoue ?!!! Et en plus, ils se prennent en photo en plein brouillard au milieu de nulle part. Ces anglais, vraiment ! Après le ruisseau, le sentier descend encore un peu sur le flanc de la montagne et remonte progressivement en sous-bois, offrant sur la droite une large vue dégagée et plongeante sur le fond de la vallée et les lacs ou barrages qui s’y baignent. Une partie du sentier est en cours de renforcement. On creuse de larges rigoles d’écoulement, on élague, on élargit, on soutient, répare, consolide ou améliore. Il est très agréable voir jubilatoire pour le randonneur de constater que les sentiers sont efficacement entretenus, suivis et maintenus praticables. Cela démontre qu’il n’y a pas abandon mais pérennisation, et de ma part : félicitations ! Peu avant le col, le sentier par le petit bout de l’entonnoir pénètre sur une pente herbeuse où un troupeau de vaches toutes couchées mâchouille mécaniquement de la chlorophylle sans chewing-gum dedans, ni conservateurs ou colorants. S’il n’était pas embrumé, le col d’Estoudou (2260 m) offrirait un panorama demi circulaire de premier ordre. Le troupeau rumine tandis qu’une grosse vache beugle désespérément : - Il reste du quatre-quarts, qui veut du quatre-quarts ? Du quatre-quarts, qui en veut encore ? Pour qui, le morceau de quatre-quarts qui reste ? Un groupe de retraités est affairé à pique-niquer sous un petit bosquet et une femme, l’adjudant en chef de l’équipe, au ton aigu, perçant et martial passe son temps à crier à la cantonade qu’il reste encore un bout de ce maudit quatre-quarts. Cette insistance répétée, inutile et criarde à le don de m’énerver. Manges-le donc ton quatre-quarts, que tu nous foutes la paix, bougonnais-je intérieurement. De fait, je ne reste que cinq minutes à ce col. Quelle n’est pas ma stupéfaction en montagne de constater que des randonneurs occasionnels répercutent ici les mêmes gestes ou attitudes qu’en ville, comme si un vulgaire « copier-coller » pouvait partout s’appliquer. Si en ville il faut souvent hausser le ton pour se faire entendre, il en va tout autrement en montagne ou dans la nature où peu de perturbations interfèrent. Ainsi, parler normalement n’est pas interdit car intervient ici le facteur climatique. Un petit vent, du brouillard ou la neige sont autant d’amplificateurs naturels de la parole. Inutile donc de toujours hurler comme si on était au souk, parler doucement suffit. Mais encore faut-il avoir un propos intéressant à propager car souvenons-nous en montagne surtout, que le bruit effraye ou dérange les animaux qu’un judicieux silence aurait sans doute permis d’observer. A l’attention toute particulière de cette duègne vociférante, je rappelle la doctrine de la parole :
La demi-heure suivante est une savoureuse partie de plaisir, grâce à la descente sur le lac de l’Oule, situé quatre cent trente neufs mètres plus bas. Quoiqu’un peu accentuée par endroits, elle demeure un vrai délice sans difficulté, au milieu de cette forêt de pins nappée d’un délicat parfum d’encens évanescent. Toute la forêt embaume l’écorce, la sève, l’âme du bois après la pluie, comme si l’humidité ambiante permettait la libération suave de multiples fragrances rares en un gigantesque pot-pourri de milliers d’hectares gorgés de vie. Un vrai régal pour l’odorat que ce « sent bon » à l’état pur. J’aurai presque envie de prolonger le charme en refaisant un peu de la montée, mais n’exagérons rien. Si aucun panneau ne mentionnait le lac de l’Oule (1821 m), on aurait tout lieu de se croire arriver sur les berges du Loch Ness. Humidité stagnante, brouillard au raz des flots, faible luminosité et silence implacable. Allez gentil petit monstre, montre-toi ! En un instant le vent dissipe tout çà, laisse entrevoir les contours fuyants du lac et les plonge à nouveau dans un épais mystère. Quelques dizaines de minutes suffisent à longer la rive occidentale du lac, fortement boisée et servant de lieu de bivouac improvisé à une poignée de tentes éparses, puis le sentier retrouve un aspect ascensionnel marqué, permettant de gagner rapidement en altitude. L’itinéraire semble d’abord vouloir contourner le lac et s’en éloigne bientôt jusqu’à atteindre un replat herbeux où est nichée la cabane de Bastan (2110 m), dont la structure principale est protégée d’un toit en lauze, tandis que la dépendance est recouverte d’un toit herbeux passablement grillé sous la canicule. A peu de distance coule un ruisselet dégringolant du vallon pentu où s’échinent à pousser des arbres rares. Le chemin bien tracé dans la végétation rase grimpe au Sud pour contourner la montagne à flanc, en une espèce de magnifique balcon panoramique sur le lac de l’Oule. Enfin c’est ce que je suppose avec beaucoup de déception, tant la brume stagnante au dessus de la cuvette lacustre interdit toute vision idéale et solennelle de la majesté en son écrin de montagnes environnantes. Je suis une fois de plus passé à côté d’un panorama d’exception, mais le leitmotiv de cette journée n’est-il pas : « Le brouillard dans les Pyrénées, s’il n’y en avait pas, ça manquerait ! » Encore des touristes et autres randonneurs sur cette portion en balcon qui mène au col de Portet, comme cette famille par exemple. Dans un passage étroit décrit dans le topo guide : « Faire attention si le sol est mouillé, lors de la traversée d’un petit ravin rocheux… » je laisse passer cette famille qui descend. Les enfants baguenaudent le nez en l’air. Les parents ne se pressent pas plus. La petite famille passe tranquillement, c’est les vacances. Et j’entends le père dire à ses gamins, avec le ton mou et professoral de l’enseignant blasé mais administratif à sa progéniture : « Aaaaaah oui les enfants, il faut que je vous dise, une règle importante s’applique en montagne. C’est de laisser la priorité aux gens qui montent. Là par exemple, vous auriez dû laisser passer le monsieur… ». Ben oui, ça leur servira pour la prochaine fois, peut-être !!! L’arrivée au col de Portet (2215 m) se fait dans une belle purée de pois. Visibilité dix mètres pour douze malheureux degrés dans l’air. Pas de panneau indicateur à se mettre sous la dent. Juste un décor fantomatique de remontées mécaniques figées et d’ombres de bâtiments disséminés sur les mamelons. Le brouillard rend l’œil inopérant, malhabile, alors il faut activer le système de secours pour visualiser mentalement le cadre jusque là abscons. Les oreilles renseignent presque aussi bien sinon mieux que les yeux, momentanément au repos : Des bruits sourds de marteaux et de plaques métalliques mettent en évidence le travail d’entretien des bâtiments. Ici, deux randonneurs invisibles s’en vont en direction de leur voiture, contents d’en finir. Là ce sont les pneus d’un véhicule qui crissent sur le gravier humide. Cette atmosphère particulière de fin du monde après la bombe, ne semble guère perturber ni déranger des touristes du 31, sagement allongés sur des pliants et qui restent ainsi de longues minutes, à lire je ne sais quoi. Bras nus, ils semblent des coqs en pâtes ! Blotti dans ma polaire trempée de sueur, affamé, j’ingurgite dos au vent qui se lève, quelques cuillérées de pain d’épice en miettes, le pauvre n’ayant que très mal supporté les aléas d’un transport en sac à dos et la promiscuité écrasante imputable à la recherche effrénée du moindre gain de place ! C’est très bon et délectable le pain d’épice, léger, savoureux et parfumé. Tout le contraire de ce satané brouillard dans lequel je marche depuis le matin ou presque. Les commentaires du topo guide à l’attention du col de Portet stipulent, rassurants : « Une route permet par temps de brouillard de rejoindre le village de Soulan puis de Vieille Aure ». J’y suis dans le brouillard moi ! Et bien dépité même, car brouillard rime vite avec cafard, blafard, furibard ou radar ! Lorsque la visibilité devient insignifiante, le randonneur se voit en pareille circonstance dépouillé de la vision et ce sens primordial n’est plus apte à produire le plaisir et la satisfaction qui sont l’essence même du contentement et de la volonté d’avancer. L’œil ne discernant plus au loin les vallées traversées ni les cols franchis en des dents de scies aux dégradés bleus évanescents, le reste du corps doute, les pieds hésitent, le cœur se désole et le moral flanche. Il faut alors battre le rappel des dernières forces et volonté pour poursuivre et continuer d’avancer pour s’enfoncer dans le plus insondable inconnu. La descente sur le GR, d’orientation générale Est, s’effectue à tâtons durant une bonne demi heure, du fait de la visibilité médiocre. Mais doit-on encore parler de visibilité à ce stade ?!!! Le sentier file dans les alpages et passe devant une fontaine, dite source de Santhous, au débit suffisant. Même si le sentier a parfois tendance à se diviser en plusieurs ornières vaguement parallèles, la présence au sol du balisage fréquent rassure le randonneur naturellement hésitant. Merci pour ces pierres barbouillées de rouge et de blanc ! Le sentier descend régulièrement, tout en surplombant légèrement la route puis je passe sous la couche principale de brouillard et la vue porte loin… Au moins à deux cents mètres ! Séparation d’avec la route qui décrit de larges lacets pour descendre en rangs serrés au fond de la vallée. Le GR poursuit à flanc de montagne, toujours sur les pelouses agréables au pied. La station de Saint Lary Soulan sous un halo de lumière, sort des ténèbres, au milieu de son vaste promontoire, arborant fièrement ses barres d’immeubles dignes des banlieues dortoirs des années 70, tel un oppidum de béton jaillit du passé. De loin, c’est assez impressionnant et troublant à la fois. Je descends tranquillement sur les successions de terrasses herbeuses, entre vaches, moutons et chevaux, jusqu’à dévaler au supposé Pla de Castillon (1606 m). Le terrain est plat (par définition), l’herbe grasse et épaisse, je m’arrête ici pour aujourd’hui. Il est 17h45. La couverture téléphonique est admirablement assurée par le relais de la station de ski de Saint Lary Soulan, située juste en face, et presque à la même altitude. Il me reste miraculeusement un litre et demi d’eau ce soir ! Cela m’épargne l’obligation de suivre un sentier annexe où coule une source mentionnée à une demi heure et m’autorise un pantagruélique repas : soupe vitaminée, un sachet de semoule mélangé avec une soupe de légumes pour donner du goût, le petit trognon du saucisson postal, du chocolat et une double infusion pomme cannelle. Délicieux ! La petite bouteille de gaz CV270 touche à sa fin. J’espère tenir jusqu’à Bagnères de Luchon, d’ici deux ou trois jours, pour la remplacer. 15°C sous la tente à 21h45. Quelques gouttes tombées dans la soirée. 6h20 de marche effective Date de création : 07/03/2008 @ 19:00 Réactions à cet article
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