Texte à méditer :  Soyez à vous-même votre propre flambeau.   BOUDDHA
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PYRENEES - GR10 - JOUR 19
Jour 19 – Vendredi 30 juillet 2004
 
Les lueurs de la station de Saint Lary Soulan, auréolées de brume strient l’horizon d’une nuit sans lune ni étoiles.
C’est donc sans effet de surprise notable que le réveil s’effectue sous une toile imbibée de rosée, sur cet alpage planté en limite de brouillard, truffé d’humidité. 26°C dans le duvet, 14°C sous la tente et 12°C dehors.
Dans l’espoir de températures plus opportunes, j’invoque la clémence du Dieu solaire tout puissant en parodiant un tube à la mode et formaté à souhait : « Au soleil… j’aimerai bien être… au soleil ! ». Et tout doucement il perce la couche de nuages et s’impose en maître absolu pour le reste de cette belle journée de randonnée qui me verra faire du « saute collines » puisque deux mini cols sont au programme. Descendre dans la vallée, remonter en face, descendre le versant opposé et recommencer encore !

Depuis le Pla de Castillon (1606 m) il faut compter une heure trente de descente intégrale. D’abord en suivant une interminable clôture à flanc de coteau avec vue dégagée sur la vallée et le gros vaisseau de béton échoué sur son récif d’altitude où le télécabine entame sa rotation.  
A mi parcours, l’ombre des noisetiers et des buis vous happe en un sous-bois compact, au sol tendre de feuilles et de pierres parsemés. Le terrain est agréable au pied, comme j’aime car il reste souple, amortit bien et ne brutalise pas les genoux ou les chevilles.
A l’approche de l’ancienne mine de manganèse, on parvient au paisible village de Vieille Aure (800 m) qui a su conserver à ses vieilles maisons de pierre un cachet d’authenticité naturelle. Charmante église et cabine téléphonique devant l’office du tourisme mais pas de fontaine en ce lieu.
Je demande de l’eau à un grand-père qui habite juste en face. En rapportant la gourde souple, il me dit surpris : 
-          Ca pèse lourd et  ça ne doit pas être facile à porter !
Hé non, car selon l’implacable et évidente règle de logique mathématique, trois litres font trois bons kilos ! D’autres personnes tout aussi étonnées me feront encore la remarque qu’il m’amuse d’entendre, alors que je précise pourtant bien aux intéressés la contenance initiale de la gourde !
Je lui avoue mon espoir d’atteindre prochainement Bagnères de Luchon et de poursuivre si les forces m’appuient jusqu’à la Méditerranée.

Ah, vous faites donc la « transversale » !

-          Beaucoup tentent de la faire, souvent par étapes, rarement d’une traite, dans un sens ou dans l’autre mais tous disent que c’est difficile. Non, non, moi je ne l’ai jamais fait. Juste un peu de promenades par ici bien sûr.
L’homme lève le nez vers les montagnes suivantes, trace des arcs de cercles dans les airs, sa main dessine une dent de scie, ses yeux s’illuminent à l’énoncé du lac d’Oô. Il me souhaite bon courage avec compassion et un rien d’envie qui me laisse supposer que la peinture de la balustrade de son balcon ne lui apporte qu’une bien modeste satisfaction passagère ! Ses trois litres me suffiront jusqu’à Loudenvieille.  
Au hameau suivant, Bourisp, deux grands-pères assis sur un banc discutent paisiblement adossés à leur maison, mains jointes sur le pommeau des cannes et sans que j’ai rien demandé l’un d’eux me lance :
-          Oui, oui, c’est par là la suite du GR, courage !
Au dessus du village, une Vierge juchée sur un piédestal se fait douce tentatrice grâce à l’adjuvant message d’un lointain Monseigneur évêque promettant pas moins de quarante ans de plénitude béate à quiconque viendrait prier en ce lieu. Moi qui déverse les « Je vous salut Marie » à pleins tombereaux sous les violents et effrayants orages de montagne, j’ai donc la certitude d’être heureux jusqu’à la fin de mes jours !
Une croix de pierre haute perchée, doucement grignotée par de la mousse adolescente semble renfermer des symboles jacquaires.
Passage dans le petit hameau d’Estensan pour atteindre le village d’Azet perché sur sa colline, à 1168 m. Il n’est pas loin d’être midi si j’en crois le soleil qui tambourine sur le crâne et malaxe les lobes frontaux. Une savante retraite stratégique s’impose à « l’auberge du col » dont le cadre plutôt sommaire distille une fraîcheur insensée, à l’ombre de la terrasse intérieure. Le minuscule chien de la patronne aboie de joie derrière un lapin de garenne aux belles oreilles, bondissant gauchement, et deux fois plus imposant. 
Hormis le pilier de comptoir local, fort sympathique au demeurant, je suis le seul client.
Il me dit que le mauvais temps vient toujours d’Espagne et qu’il ne faut surtout pas boire n’importe où en montagne, de peur de choper la turista. Le mieux selon lui étant le pastis ! D’autres bavardages banals aussi dont l’intérêt primordial et la nécessité impérieuse m’échappent tant mon estomac livide réclame modestement pitance. Pour le satisfaire, je me laisse tenter par un sandwich de pays avec jambon cru, pain de campagne et un chouya de beurre, accompagné d’un Coca. Sept euros.
 
Bien décidé à faire durer cette modeste manne alimentaire qui constitue évidemment le seul repas solide et d’importance de midi, je m’astreins, contre l’avis affligé de mon estomac éploré, à de minuscules bouchées dont la durée masticatoire laisse peut de place à un étranglement annoncé !
A l’intérieur, une discussion plus sérieuse s’engage sur la côte d’azur, ses environs et les Baumettes. Le patron et son fidèle pilier ressassent les souvenirs d’un temps révolu et égrainent les longues années passées sous le chaud soleil de Marseille… Deux héros sont sur les lèvres et les noms mythiques prononcés avec dévotion, respect et estime fervente baignent dans une sainte auréole : 
-          Tu l’as connu toi, Françoise Besse ?
-          Oui, mais Mesrine était bien le meilleur…
S’en suit un long et vibrant panégyrique enjoué des deux malfrats qui défrayèrent la chronique dans les années 70-80. Le commissaire Broussard lui est moins souvent cité, toujours avec des noms d’oiseaux et de fortes connotations sexuelles peu avantageuses. Allez savoir pourquoi !
Mon favori serait plus volontiers Albert Spaggiari, mais comme on se garde bien de me demander mon avis, je termine de rassembler les reliquats de ce festin. « Ni haine, ni violence et sans arme ».
 
Le GR suit un peu la route, au-delà de la jolie petite église et s’en va bifurquer dans les collines verdoyantes. Un agriculteur fane, quelques oiseaux virevoltent dans cette atmosphère sereine et l’on chemine à l’ombre bienfaitrice des arbres jalonnant le sentier ponctué de granges restaurées. De-ci, de-là, par endroits, de minces filets d’eau dévalant du flanc gauche de la colline se sont mués en de véritables pataugeoires à bestiaux, rendant l’approche parfois malhabile et gluante. Mais on prétend que les bains de boue sont régénérateurs, alors autant s’en mettre jusqu’à mi-mollet !
Plus haut, allongé dans un champ où il déjeune, rencontre avec un randonneur qui fait aussi le GR10, mais comme beaucoup, par tranches multiples, qui sont selon moi autant de segments inutiles et de « tue l’amour » de la rando. Il est parti de Vieille Aure ce matin et à l’évocation magique d’Hendaye il devient enthousiaste. Me demande où je dors, s’interroge sur mon alimentation, la durée de marche quotidienne et les paysages, comme d’autres avant lui. En entendant que je trimballais avec moi tente, duvet, alimentation, gaz et diverses affaires, un seul mot lui vient à la bouche, comme une sentence d’admiration évidente : puriste. Nous aurons encore l’occasion de nous croiser jusqu’à Bagnères de Luchon.
La montée au mini col de « Couret de Latuhe » (1586 m) est une formalité de plus dont il n’y a pas à se glorifier.

Terrain plat herbeux, accessible aux voitures et autres chevaux aux déambulations aveugles de sens.
Vue dégagée sur les montagnes entourant en contrebas le village de Loudenvielle. Déjà j’observe ces nouvelles montagnes, avec l’itinéraire de montée à réaliser en fin d’après-midi, bien marqué dans la végétation, tout en essayant de jauger au plus près le temps nécessaire à la grimpette. Deux heures minimum ? 
 
Le parcours de cette dix-neuvième journée se veut plus long que difficile, avec uniquement de larges collines bombées à effacer. Rien que de la promenade familiale sans plus de dénivelé conséquent. Tant est si bien que la descente s’amorce déjà sur Loudenvielle (atteint en une heure du col) et son charmant petit lac, tapis au fond de la vallée aux mamelons boisés.
Le chien aboie et la caravane passe.
Je n’ai nullement l’intention d’aboyer avec la meute en répétant à qui mieux mieux : « il fait chaud, il fait chaud, bon sang qu’il fait chaud ». Je préfère goûter et même siroter le repos à l’ombre d’un café, le temps de donner aux heures les plus chaudes du jour, un peu d’avance sur mon propre pas. C’est « chez Rogé » que je trouve calme, ombrage et bien être ainsi que deux Orangina glacés. Agréable et bienheureux petit café un peu à l’écart, en jolies pierres apparentes, sur lesquelles serpentent vivent et courent une guirlande de lierre et des fleurs multicolores qui font l’enchantement du lieu. Et le rideau de porte anti-mouches à quatre fleurs de tournesol largement ouvertes rajoute s’il était besoin encore de la couleur. Je vous conseille la visite. Le patron dit qu’il voit de temps en temps passer des randonneurs « pour » le GR, qui veulent le faire en un ou deux mois, ça dépend, des forces, des volontés. Je suis arrivé chez lui en dix-neuf jours. Il dit que je marche vite. En fait, pas aussi vite que je l’espérerai, car je caresse le secret espoir de ne pas mettre plus de quarante jours, si tout va bien, pour rallier la Méditerranée et m’en rassasier.
Comme par enchantement, une petite fontaine verte de fonte matérialise la suite du GR, dans le haut du village. Si le doute était encore possible sur l’itinéraire, une main bienveillante y a déposé le panneau indicateur frappé du nom du hameau prochain. Des petits gestes, des petits riens que le randonneur parfois aux abois, cherchant qui de l’eau, ou un balisage, trouvera réunis, quelle joie.
En quarante minutes au lieu des soixante-dix préconisées par le topo guide, j’arrive à Germ (1339 m) malgré un cagnard prédominant et un sentier à flanc de collines et de coteaux parfois bombardé par la fournaise de fin d’après-midi. L’ascension offre quelques premières vues intéressantes sur la vallée. Ce petit hameau de moyenne montagne rassemble un gîte et un joli bassin bouillonnant, quelques maisons rénovées pour peu d’agitation et de faux-semblants illusoires. Détente et repos, calme et silence.
Durant la petit ascension parfois soutenue, je n’ai pas bu une seule petite léchouille, désireux de conserver ma gourde intacte et m’étant rempli le ventre d’un litre et demi d’eau avant le départ au point d’en être un peu ballonné, tel une outre trop pleine ! Certains s’interrogeront sans doute sur ma consommation importante d’eau, qu’ils trouveront probablement exagérée ou abusive, avec un minimum de cinq litres quotidiens, avalés pour majorité au fil de la marche. Mais n’oublions pas que nous sommes au plein cœur de l’été et que la déshydratation latente se doit d’être combattue en gorgées multiples et répétées, mais surtout anticipée. Lorsque la soif se manifeste par une gorge sèche ou des lèvres irritées, c’est qu’il est déjà trop tard, que le besoin s’est transformé en pénurie. Ainsi, afin de prévenir toute déshydratation qui entraînerait en chaîne des conséquences fâcheuses sur l’état général, je me transforme volontiers en un « boit sans soif » invétéré, en suçotant des gorgées qui sont autant d’opportunité de concéder quelques mini poses respiratoires. Boire, respirer et s’arrêter sont les clés du succès de toute randonnée.
 
Immédiatement à la sortie de Germ, le chemin sur une centaine de mètres se gargarise d’une pente importante que la logique musculaire supplie d’attaquer avec modestie et lenteur, jusqu’à atteindre sur la droite, une très belle grange restaurée avec goût. Un replat, d’autres bâtisses et le balisage nous entraîne doucement à droite, pour contourner le mamelon d’une colline d’où la vue devient panoramique. S’alignent les maisons basses et grises devant le lac de Génos, une mini station de ski à mi-pentes et le Couret de Latuhe, collet sans importance franchit dans l’après-midi.
Une bonne heure de marche soutenue au milieu des champs épais regorgeant de fourrage gras, sur un sentier généralement large quoique finissant pas être envahis de nombreux arbrisseaux encombrants, permet de gagner un petit étang artificiel (1487 m). Nous pénétrons dans le val d’Aube et les hauts sommets verdoyants se referment dorénavant autour de nous. De beaux pics majestueux parfois auréolés de névés tardifs subliment le regard et satisfont le randonneur que je suis, après le morne enchaînement de collines du jour. Retour à la montagne, à l’alpin sacré.
19h05, plus que temps de s’arrêter. Un randonneur a installé sa tente sur un replat dominant l’étang et je l’imite car cette petite mezzanine vaguement herbeuse est ici le seul endroit plat. Délice incomparable d’être enfin allongé, nu sous la tente, et de savourer la fraîcheur du soir sur un corps surexcité d’efforts et duquel des vapeurs évanescentes s’échappent en des nimbes crépusculaires. Il me semble être un trotteur après l’entraînement dont le cuir lustré de sueur apparaît prit d’une combustion magique.
Le bien frugal repas englouti et néanmoins savouré (aspirine en apéritif, soupe savoyarde, soupe vitaminée mélangée à ½ reste de purée et une tablette de chocolat), le jour disparaît lors de la rédaction de ces modestes notes.

 

Demain devrait être une bonne journée, puisque la proximité de l’eau autorise des réjouissances où l’hygiène aura toute sa part.
Toilette et vaisselle annoncées avec un liquide non contingenté font ma gaieté retrouvée.
Comme quoi l’homme sait parfois revenir à l’essentiel, se contentant de peu et lorsqu’il y est obligé ou contraint, sait faire abstraction de l’inutile et du superflu pour ne se concentrer que sur le minimum nécessaire, voir vital.
En montagne, un bout de savon, une brosse à dents, un rasoir font le bonheur d’un homme tandis qu’en ville, bien trop souvent il se laisse apprivoiser et tenter par le marketing insidieux qui génère en lui des nécessités industrieuses et artificielles.
 
Les vêtements portés ce jour sont littéralement trempés, imprégnés des efforts consentis et de la canicule subie.
6h12 de marche effective

Date de création : 08/03/2008 @ 06:24
Dernière modification : 08/03/2008 @ 06:51
Catégorie : PYRENEES - GR10
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